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Viol

 

Phénomène et crime particulièrement ancien sous ses diverses formes, le viol est longtemps demeuré un objet peu étudié par les sciences humaines et sociales. Si la socio-criminologie anglo-saxonne a commencé à s’y intéresser dès les années 1950 et a produit depuis plus de vingt ans des ouvrages de synthèse couvrant l'ensemble du sujet (par ex. Ellis, 1989 ; Allison, Wrightsman, 1993), en France il faut attendre les années 1990 pour que des connaissances empiriques systématisées soient produites régulièrement sur le sujet par des psychologues ou des psychiatres (par ex. Lopez, Filizzola, 1993 ; Balier, 1996) et par des historiens (par ex. Vigarello, 1998). Malgré des études pionnières (notamment Walzer-Lang, 1988), les études sociologiques sont plus récentes encore.

 

Dénonciation et criminalisation croissantes du viol  

 

Cette production de connaissances est la traduction d’un long processus de modification des sensibilités qui a fait éclore une volonté nouvelle de dévoilement des violences sexuelles. Depuis la Révolution française jusqu’aux luttes féministes des années 1970, la banalisation du viol a été dénoncée afin d’encourager la judiciarisation de ces faits longtemps laissés à la seule régulation des mœurs et aux arrangements entre les parties ou leurs familles. La première enquête de victimisation en France, portant spécifiquement sur les violences faites aux femmes (Jaspard et alii., 2003), rapporte que 2,7% des femmes interrogées ont été victimes d’un rapport sexuel forcé au cours de leur vie. Dans l’enquête CSF (Bajos, Bozon, 2008), réalisée six ans plus tard auprès d’un échantillon mixte, ce sont 6,8% des femmes et 1,5% des hommes qui déclarent avoir subi au moins un viol au cours de leur vie. Pour les chercheurs, l’ampleur de cette augmentation ne signifie pas un accroissement des viols mais une plus grande propension des victimes (ou de leurs proches) à déclarer les faits. Du côté des statistiques administratives, l’on relève une multiplication par cinq des faits de viol (ou tentative de viol) constatés par les services de police ou de gendarmerie en l’espace de 40 ans : dans les années 1970, autour de 1 500 viols par an sont enregistrés alors que l’on atteint aujourd’hui la barre des 10 000. Enfin, les statistiques judiciaires montrent une nette augmentation du nombre de personnes condamnées pour viol entre les années 1980 et aujourd’hui, ainsi qu’une sévérité accrue de la justice : de 1984 à 2008, la part des peines de 10 à 20 ans de prison pour les auteurs de viols a crû de 16 à 40 %. De fait, accompagnant l’évolution des sensibilités, le législateur a durci la réponse pénale jugée insuffisante ou inadaptée (Cochez, Guitz, Lemoussu, 2010). De nouvelles lois de prescription, un régime procédural inédit et de nouvelles peines font aujourd’hui du viol le crime le plus sévèrement réprimé dans la plupart des pays occidentaux.

 

Progrès de la connaissance scientifique des viols

 

Depuis la loi du 23 décembre 1980, le viol est défini par la loi française comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». Mais la loi ne s’occupant que du général, cette définition ne dit rien des réalités sociales et psychosociales qui se donnent à voir derrière la catégorie juridique du viol : les modalités et les contextes de l’agression, les parcours et les situations des auteurs et des victimes et leurs relations. Si les enquêtes de victimation ont permis d’aller plus loin dans la connaissance et la mesure du viol comme phénomène social et si les travaux psychologiques ont largement défriché la personnalité des criminels et l’impact physique et psychologique du viol sur les victimes (à quoi il faut ajouter les données collectées par les associations de victimes ou les collectifs de lutte contre le viol), il reste que les données pénales sont d’une incontestable richesse pour étudier ensemble les faits, les auteurs, les victimes et le traitement judiciaire, sous un angle à la fois qualitatif et quantitatif.

 

L’usage de cette source par les historiens, d’une part, tout comme une récente recherche basée sur l’examen de plusieurs centaines de dossiers judiciaires jugés aux Assises dans les années 2000 (Le Goaziou, 2011), d’autre part, montre que, derrière les représentations souvent simplifiées de ce crime, se profile un acte aux manifestations diverses et hétérogènes.

 

Derrière l'unité de la catégorie juridique, il existe en réalité plusieurs types et plusieurs formes de viols que l’on peut notamment classer en fonction des liens ou des relations entre les protagonistes (Le Goaziou, Mucchielli, 2010). Ce faisant, il apparaît que le viol – à l’instar de l'homicide – est avant tout un crime de proximité. Les deux tiers ou les trois quarts des viols, suivant les enquêtes, se déroulent dans des cercles d’interconnaissance affective ou relationnelle. Ce que nous proposons d'appeler les viols familiaux élargis (viols commis par des pères, des beaux-pères, d’autres ascendants, des collatéraux, des conjoints ou des « amis de la famille ») viennent largement en tête, suivis par des viols commis par des copains ou des amis des victimes, par des voisins ou bien encore, à une échelle de plus basse intensité relationnelle, par des relations ou des connaissances, du voisinage ou professionnelles. A contrario, l’auteur est inconnu de la victime dans un nombre réduit d’affaires, avec toutefois une assez grande variation suivant les territoires – les viols par inconnus étant en proportion plus importants dans les grandes villes ou dans les zones urbaines. Egalement très faible est la proportion de viols collectifs, phénomène fort ancien et qui demeurent relativement rare en dépit de sa récente médiatisation en France (Mucchielli, 2005). A titre indicatif, les viols collectifs représentent environ 7 % des crimes de viols condamnés en France en 2009, et ce pourcentage est sur ce point confirmé par les enquêtes de victimisation.

 

Les viols varient également en fréquence et en durée et les recherches montrent que plus les auteurs et les victimes évoluent dans des cercles de proximité étroite, plus les agressions sont longues et multipliées. Ainsi, dans la recherche récente sur dossiers judiciaires (Le Goaziou, 2011), quasiment tous les viols commis par des agresseurs peu connus ou inconnus des victimes sont des viols uniques. À l’inverse, les viols familiaux commis par des ascendants ou par des collatéraux sont dans leur grande majorité des viols répétés sur des moyennes (1 à 5 ans) ou des longues durées (5 ans et plus). De ce point de vue – et contrairement aux représentations communes notamment issues d’affaires de violeurs-tueurs largement médiatisées – les violeurs en série sont très rarement des personnes inconnues de leurs victimes. C’est bien plutôt dans le cercle familial qu’elles sévissent, où presque deux tiers des auteurs (dans les dossiers judiciaires étudiés) ont commis plusieurs agressions sexuelles et/ou plusieurs viols sur une ou plusieurs personnes de leur entourage pendant plusieurs années. C'est pourquoi, nous avons proposé le concept d'« abuseur-violeur en série de proximité ».

 

Les lieux, les moments et les circonstances sont également divers et variés. Les viols familiaux se déroulent quasi exclusivement au domicile des auteurs, qui est aussi très souvent celui des victimes, à différents moments de la journée, souvent initiés par des circonstances favorables au rapprochement des corps (toilette, bain, sieste, coucher, jeu, câlin…) lorsque l’auteur et la victime se retrouvent seuls, mais parfois avec la complicité passive, la résignation ou la soumission des autres membres de la famille. Le domicile commun est également le lieu où se commettent les viols conjugaux, très souvent assortis de coups et de brutalités physiques, dans la mesure où les femmes violées par leur conjoint sont aussi des femmes battues. En-dehors du cercle familial ou de voisinage, les lieux sont plus diversifiés – chambre d’hôtel, maison de vacances, ascenseur, voiture, bord de chemin… –, et les viols sont plus souvent commis le soir ou la nuit, en particulier lorsque l’auteur et la victime ne se connaissent pas du tout au moment des faits.

 

Auteurs et victimes de viols

 

En dépit de quelques exceptions, les auteurs de viols sont quasiment toujours des hommes. Et des hommes en moyenne assez jeunes (environ 30 ans), légèrement plus âgés dans les viols familiaux (qui impliquent notamment des grands-pères), au contraire très jeunes adultes voire mineurs dans des viols commis par des collatéraux (frères, cousins) ou dans des viols collectifs. Si les victimes sont généralement plus jeunes que les auteurs, les âges varient suivant les types de viols. Les victimes de viols commis par des membres de la famille (hors viols conjugaux) sont quasiment toujours des mineurs et l’on compte même une très grande proportion d’enfants – dans la recherche sur dossiers judiciaires (Le Goaziou, 2011), deux tiers des victimes de viols familiaux n’ont pas 10 ans. Les victimes de viols commis par des copains, des amis ou des voisins, ou par des adultes remplissant une fonction pédagogique ou éducative, ainsi que les viols collectifs sont également souvent des mineurs mais avec une proportion plus importante d’adolescents. Enfin les femmes violées par leur conjoint (ou ex-conjoint) ou leur petit ami ou bien celles qui sont violées par un inconnu sont quasiment toujours des adultes – avec même plusieurs cas de femmes de plus de 40 ans. Néanmoins, c’est un fait depuis longtemps établi, le jeune âge est un facteur de risque des violences sexuelles. Les enquêtes réalisées à l’échelle nationale ou internationale (OMS, 2002) montrent que ce sont les enfants, les adolescents et les jeunes adultes qui sont les plus touchés.

 

En revanche – contrairement à une idée également souvent répandue –, les victimes de viols ne sont pas toutes de sexe féminin. Dans l’enquête CSF déjà citée, 1,5 % des hommes interrogés ont déclaré avoir été violé au moins une fois au cours de leur vie (pour 6,8 % des femmes) et dans l’enquête « Cadre de vie et sécurité » de l’INSEE, ils sont 0,2 % à avoir déclaré au moins un acte de violence sexuelle (viol ou autre agression sexuelle) au cours de l’année passée (pour 0,9 % pour les femmes). Dans la recherche sur les viols jugés aux Assises, une victime sur cinq est de sexe masculin mais elles ne se répartissent pas de la même façon suivant les types de viols. Inexistantes dans les viols conjugaux et rarissimes dans les viols collectifs et les viols commis par des personnes peu connues ou inconnues, elles sont en revanche plus nombreuses dans les viols familiaux (24 %). L’on trouve même une proportion plus importante de victimes de sexe masculin dans les viols commis par des amis de la famille et dans les viols commis par des personnes entretenant une relation de type pédagogique ou éducatif (enseignant, animateur, auxiliaire de vie…) avec de jeunes garçons. Car les victimes de sexe masculin sont en effet quasi exclusivement des enfants ou des adolescents ; l’on ne trouve qu’une proportion très marginale d’hommes adultes. Certes, les fillettes, les adolescentes et les femmes sont sans conteste plus souvent victimes de viols que les garçons ou les hommes, mais l’on peut néanmoins faire l’hypothèse que ces victimes masculines, plus encore que les femmes, taisent ce qui leur est arrivé. L’obstacle tient vraisemblablement à l’atteinte à la masculinité que représente ce type d’agression et au fait que le viol est aujourd’hui encore quasi exclusivement pensé et dénoncé lorsque des filles ou des femmes le subissent (King, Mezey, 2000).

 

Diversité des milieux sociaux et des profils individuels

 

Les enquêtes de victimisation montrent que les violences sexuelles dont l’auteur est connu concernent les différents milieux sociaux dans des proportions équivalentes, ce qui contredit l’hypothèse souvent avancée d’une plus grande fréquence de violences sexuelles exercées par les hommes dans les groupes sociaux les plus défavorisés. En revanche, dans les affaires de viols condamnées par la justice, l'on observe une sur-représentation des auteurs appartenant aux milieux populaires, voire à ses franges les plus précarisées. Cette sur-représentation des milieux populaires n’est pas un constat nouveau en matière judiciaire et ce, quelles que soient les infractions concernées. Inversement, les membres des milieux sociaux favorisés sont sous-représentés parmi les personnes condamnées, au regard de leur poids dans la population. Deux principaux mécanismes peuvent probablement expliquer cette distorsion, que l'on constate aussi dans le domaine de la maltraitance infantile (Flaherty, Sege, 2005). D’un côté, un phénomène de sous-judiciarisation des faits au sein des milieux aisés qui disposent d’une série de filtres pour prévenir la divulgation des faits et, le cas échéant, pour se prémunir face à l’action de la police et de la justice. De l’autre côté, une attention particulière portée aux populations défavorisées par les services médico-sociaux, les institutions éducatives ou les antennes judiciaires conduisant à une plus grande détection des faits illicites commis en leur sein.

 

La littérature des sciences psychologiques sur les auteurs de violences sexuelles montre de son côté qu’il n’y a pas de délinquant sexuel type et que l’abuseur sexuel ne peut être défini sous une unique structure de personnalité, fut-elle pathologique, et son acte être compris comme la traduction symptomatique d’une maladie mentale spécifique (Hamon, 1999), même dans le cas des meurtriers sexuels (Proulx, Cusson, Beauregard, Nicole, 2005). Reste pourtant que le passage à l’acte, chez les abuseurs sexuels, peut être perçu comme la traduction d’un trouble de l’identité, produit par divers manques ou formes de maltraitances. Les expertises rédigées par les psychologues ou les psychiatres dans la recherche sur les viols judiciarisés indiquent que quasiment la moitié des auteurs ont connu des carences éducatives ou psychoaffectives durant leur enfance ou leur adolescence, quatre sur dix ont évolué dans un univers familial marqué par la violence, un tiers ont été placés dans des structures éducatives ou ont fait l’objet d’un suivi par les services sociaux ou judiciaires et un auteur sur cinq avait l’un ou l’autre de ses parents alcoolique. En revanche, la thèse de la reproduction générationnelle des violences sexuelles (l’abuseur sexuel lui-même abusé) fait aujourd’hui encore l’objet d’un questionnement tant les proportions indiquées dans les diverses enquêtes varient grandement (de 15 à plus de 50 %).

 

L’examen des dossiers judiciaires permet enfin de déterminer le profil judiciaire des auteurs de viols condamnés. Généralement, les auteurs de viols familiaux ne sont pas connus de la police ou de la justice antérieurement aux faits, pas même en matière d’infractions sexuelles alors que ce sont pourtant des abuseurs multi-réitérants, mais non dénoncés. À l’inverse, les auteurs peu connus ou inconnus des victimes – par ailleurs souvent situés aux échelons les plus bas de l’échelle sociale – sont au contraire des poly-délinquants. Déjà poursuivis principalement pour des atteintes contre les biens ou des délinquances d’ordre public, quatre sur dix avait également été mis en cause ou condamné pour des délits ou des crimes à caractère sexuel.

 

De même qu’il n’y a pas d’abuseur sexuel type, les victimes de viols ne présentent pas non plus de profils spécifiques – hormis leur (très) jeune âge et leur sexe. Et les enquêtes quantitatives montrent que les personnes ayant subi des viols appartiennent à tous les milieux sociaux. En revanche, dans la mesure où le viol est d’abord une violence entre proches et que des liens préexistent entre les auteurs et les victimes, la proximité qui les lie est très souvent géographique et sociale, mais parfois aussi psychologique. Dès lors – hormis dans les affaires de viols par inconnus où auteurs et victimes sont au contraire très dissemblants –, ce sont plutôt d’assez fortes ressemblances entre les protagonistes qui peuvent être relevées. Dans la recherche sur les viols judiciarisés, la moitié des victimes avaient évolué durant leur enfance ou leur adolescence (ou évoluaient encore pour les mineurs) dans un environnement familial à caractère violent. Et un tiers avait vécu un ou plusieurs événements difficiles, d’ordre psychologique, affectif ou éducatif (troubles psychologiques ou mentaux d’un adulte proche, placement ou suivi, négligences, etc.).

 

Perspectives d'évolution de la réaction sociale

 

Si les viols – comme les autres formes de violences interpersonnelles (Mucchielli, 2008) – sont aujourd’hui de moins en moins tolérés et de plus en plus dénoncés et condamnés par la justice, il n’en reste pas moins que la marge de progression de ce contentieux est énorme car les taux de renvois de ces violences vers les institutions pénales restent encore très faibles. Parmi les femmes qui avaient parlé du viol ou de la tentative de viol qu’elles avaient subi, à peine 10 % dans l’enquête ENVEFF avaient déposé une plainte. Et la proportion était deux fois plus faible dans l’enquête CSF (seulement 4,2 % des femmes et 0,6 % des hommes avaient déclaré les faits). L’édition 2008 de l’enquête de l’INSEE, qui porte sur les violences subies au cours de l’année écoulée, indique quant à elle qu'environ 9 % des victimes ont porté plainte pour des violences sexuelles (viols et agressions sexuelles) hors ménage et la proportion est encore plus basse lorsque ces violences ont été commises au sein du ménage. En clair, aujourd’hui encore, porter plainte en cas de viol demeure une démarche rare. De plus, ce mouvement de judiciarisation n’est pas uniforme. Si les incestes sont de plus en plus divulgués, les viols conjugaux résistent en revanche davantage à la levée du silence, alors que leur fréquence est pourtant élevée. Quant aux victimes de sexe masculin, elles sont encore dans le mutisme et l’enfouissement des faits. La dénonciation des faits n’adopte pas non plus le même rythme et, généralement, plus les auteurs et les victimes sont proches (et en particulier lorsque les victimes sont des enfants), plus les faits tardent à être divulgués. En revanche, les victimes de viols par inconnus, lorsqu’elles déclarent les faits, déposent plainte dans un très court délai. Enfin, la judiciarisation se révèle aussi très inégale selon les milieux sociaux et il apparaît que les viols commis dans des cercles de proximité (en particulier les incestes, viols familiaux élargis et viols conjugaux) demeurent surtout dissimulés dans les classes sociales les plus favorisées.
 
Juin 2011
 
Références
 
  • ALLISON J., WRIGHTSMAN L., 1993, Rape, the misunderstood crime, Sage Publications.
  • BAJOS N., BOZON M., 2008, Les agressions sexuelles en France : résignation, réprobation, révolte, in BAJOS N., BOZON M., (dir.), Enquête sur la sexualité en France, Paris, La Découverte, 381-407.
  • Balier C, 1996, Rapport de recherche sur les auteurs d’agressions sexuelles, Paris, la Documentation française.
  • COCHEZ F., GUITZ I., LEMOUSSU P., 2010, Le traitement judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles, Les numéros juridiques, Actualités Sociales Hebdomadaires.
  • ELLIS L., 1989, Theories of Rape: Inquiries Into the Causes of Rape, Oxford, Taylor & Francis.
  • FLAHERTY E., SEGE R., 2005, « Barriers to physician identification and reporting of child abuse », Pediatric Annals, 34, 349-356.
  • HAMON F., 1999, Délinquance sexuelle et crimes sexuels, Paris, Masson
  • JASPARD M. (dir.), 2003, Les violences envers les femmes en France. Une enquête nationale, Paris, La Documentation Française.
  • KING M., MEZEY G., 2000, Male victims of sexual assault, Oxford, Oxford University Press.
  • LE GOAZIOU V., 2011, Le viol. Sociologie d’un crime, La Documentation française.
  • LE GOAZIOU V.,  MUCCHIELLI L., 2010, « Les viols jugés en cours d’assises : typologie et variations géographiques », Questions pénales, 4, 1-4.
  • LOPEZ G., FILIZZOLA G., Le viol, Paris, Presses Universitaires de France.
  • MUCCHIELLI L., 2005, Le scandale des « tournantes ». Dérive médiatique, contre-enquête sociologique, Paris, La Découverte.
  • MUCCHIELLI L., 2008, « Une société plus violente ? Analyse socio-historique des violences interpersonnelles en France, des années 1970 à nos jours », Déviance et société, 2, 115-147.
  • OMS, 2002, La violence sexuelle, Rapport mondial sur la violence et la santé, Genève, Organisation Mondiale de la Santé.
  • PROULX J., CUSSON M., BEAUREGARD E., NICOLE A., (dir.), 2005, Les meurtriers sexuels: Analyse comparative et nouvelles perspectives, Montréal, Presses de l’Université de Montréal.
  • VIGARELLO G., 1998, Histoire du viol. XVIe-XXIe siècles, Paris, Seuil.
  • WELZER-LANG D., 1988, Le viol au masculin, Paris, L'Harmattan.

 

 

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Traite des personnes

 

La communauté internationale est présentement inquiète de l’augmentation de l’immigration irrégulière, particulièrement lorsqu’elle implique l’exploitation d’êtres humains comme c’est le cas de la traite des personnes. Si le phénomène de la traite des personnes a suscité beaucoup d’attention ces dernières années, il n’est pas nouveau. En effet, les États élaborent depuis un certain temps des lois, des conventions et des accords bilatéraux et régionaux pour faire face à ce problème. De nombreux instruments juridiques datant de la fin du XIXe siècle et après ont tenté de répondre aux diverses formes et manifestations de la traite. Entre 1815 et 1957, quelque 3001 accords internationaux2 ont été adoptés pour supprimer l’esclavage sous ses diverses formes, y compris la traite des personnes.

Plus récemment, dans l’année 2000, la communauté internationale a adopté le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants3. Dorénavant, les mesures de prévention et de répression de la traite des personnes à des fins d’exploitation sont prévues par cet instrument juridique international qui est entré en vigueur en décembre 2003. Les États Parties au Protocole on adopté une définition4 de la traite des personnes qui se traduit par:

En vertu du Protocole relatif à la traite, la traite des personnes comprend deux éléments principaux. La traite est caractérisée par le «caractère forcé» de l’activité, car l’implication des personnes est faite de manière «forcée» ou «coercitive» ou en «absence de libre consentement». En outre, «l’exploitation» de la personne est un élément constitutif de la traite. Ces éléments sont fondamentaux afin de distinguer la «traite des personnes» de la notion du «trafic illicite de migrants» qui est à son tour défini par le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée5 de la façon suivante : «le fait d’assurer, afin d’en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel, l’entrée illégale dans un État partie d’une personne qui n’est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet État6».

La principale réussite de l’adoption du Protocole contre le trafic et du Protocole contre la traite est que les États Parties sont parvenus à établir deux définitions et ainsi donner naissance à une distinction entre le trafic de migrants et la traite de personnes (Jimenez, 2009). Lorsqu’on examine les deux Protocoles additionnels à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, on dénote que la première différence touche les personnes qui en sont l’objet. Dans le cas de la traite, on les considère comme des «victimes» de l’infraction de la traite et dans de nombreux cas, d’autres infractions (prostitution, agression sexuelle, esclavage, etc). Dans le cas du trafic illicite, ce sont des «migrants illégaux» objet du trafic. Dans le cas de la traite, l’activité porte toujours atteinte aux droits fondamentaux des personnes qui en font l’objet. Les individus pris dans la traite sont victimes de coercition et d’exploitation (Brolan, 2002). D’ailleurs, les victimes sont souvent exploitées à répétition (Blackell, 2001). D’un angle victimologique, cette distinction terminologique a une importance capitale, notamment d’un point de vue d’assistance et de protection vis-à-vis de l’individu qui en fait l’objet. En effet, les victimes de la traite sont mieux protégées par le Protocole relatif à la traite que les migrants objet de trafic par le Protocole relatif au trafic (Jimenez, 2009, 2010).

Une autre différence fondamentale entre les deux concepts est «l’exploitation» et «l’abus» de la personne dans le cas de la traite et non «l’avantage financier» qui découle de «l’immigration illégale» dans le cas du trafic. Si dans le cas du trafic, l’élément «exploitation de la personne» est absent, cette exploitation est un élément constitutif de la traite, car une fois arrivées à destination, les victimes de la traite demeurent en captivité sous le contrôle d’une ou plusieurs personnes ou d’une organisation criminelle et sont soumises à des conditions d’esclavage (Jimenez, 2009, 2010).  D’ailleurs, si ce sont surtout des hommes qui font l’objet du «trafic illégal des migrants», dans la majorité des cas de la traite, ce sont des femmes et des enfants (Gallagher, 2002). Par ailleurs, lorsque des enfants7 sont impliqués, ceci est normalement considéré comme de la traite, sauf si le voyage est fait en famille, car en règle générale, on estime qu’il ne peut y avoir de consentement de la part d’un mineur (Jimenez, 2009,2010).

Le tableau suivant synthétise la définition de la traite des personnes telle qu’adoptée par les États membres du Protocole contre la traite.

Toutefois, si les États définissent juridiquement la «traite des personnes» et le «trafic illicite des migrants», la différence entre un concept et un autre n’est pas toujours évidente en pratique. De ce fait, les victimes de la traite risquent d’être confondues avec de «simples» migrants irréguliers objet du trafic et non comme de victimes de la traite. En conséquence, elles risquent d’être dépossédées des mesures de protection et d’assistance qu’elles méritent (Jimenez, 2009, 2010).

Selon ce qui précède, en vertu du Protocole relatif à la traite, «l’exploitation» de la victime est une condition sine qua non de la définition de la traite des personnes. Mais les États n’ont pas dressé une liste8 exhaustive ni complète des moyens d’exploitation, au contraire, ils ont délibérément laissé la porte ouverte à d’autres formes des «pratiques analogues» à l’exploitation sexuelle ou au travail forcé. Bien que la traite des personnes à des fins de prostitution ou autre forme d’exploitation sexuelle soit largement dénoncée et que la communauté internationale se mobilise de façon importante pour la combattre, les États Parties au Protocole n’ont pas inclus de façon expresse et explicite le mariage forcé dans la définition de la traite. Or, la traite de femmes, et notamment de filles dans un but de mariage forcé est une réalité inquiétante qui est encore peu explorée. En effet, l’Organisation des Nations Unies confirme que des pratiques culturelles telles que les mariages arrangés, précoces ou forcés contribuent à alimenter la traite des personnes (UNGIFT, 2009).

Ainsi, la traite des femmes et des filles peut également avoir lieu dans un but de mariage forcé. Lorsque le mariage n’est pas consenti et que la femme est victime d’exploitation, le mariage forcé peut également être considéré comme une finalité de la traite. Dans le cas de la traite à des fins de mariage, l’exploitation peut comprendre notamment le mariage précoce, le mariage servile, les différentes formes de mariage arrangé comme moyen de régler une dette ou un différend familial ou de réparer un crime, le mariage provisoire, ou le mariage à des fins de procréation (USA, 2009).

La clandestinité des réseaux de traite des personnes, la réticence des victimes à signaler les crimes aux autorités, la difficulté que pose l’identification des victimes et la nature délicate des données constituent de véritables obstacles à la collecte de données fiables sur la traite des personnes (Ogrodnik, 2010). Toutefois, la traite des personnes est considérée comme un véritable phénomène mondial. Selon les données rapportées par l’UNODC en 2010, des victimes d’au moins 127 pays ont été détectées dans 137 pays. Les chiffres démontrent que les femmes et les filles sont proportionnellement plus nombreuses  à être victimes que les hommes (UNODC, 2010). En 2009,  66% femmes et 13% filles et 12% hommes et 9% garçons furent victimes de la traite (UNODC, 2009). L’exploitation sexuelle est de loin la forme de traite la plus communément détectée (79 %), suivie par le travail forcé (18 %), en comparaison d’autres formes d’exploitation qui sont moins signalées comme le travail forcé, la servitude domestique, le mariage forcé, le prélèvement d’organes et l’exploitation d’enfants contraints de mendier ou de faire la guerre (UNODC, 2009). Les hommes et des jeunes garçons sont avant tout victimes de travaux forcés dans les secteurs de l’agriculture, de la construction et de l’industrie du textile (Oxman-Martinez et al. 2008).

La traite des personnes est considérée un problème à facettes multiples qui touche plusieurs dimensions comme l’immigration irrégulière, le déplacement forcé de travailleurs migrants et de populations, le système de protection des réfugiés, la violation des droits de la personne et la criminalité transnationale organisée. La traite des personnes, en raison de l’exploitation qui en découle, est considérée comme étant le moyen le plus dangereux parmi les multiples formes d’immigration irrégulière, dû à sa complexité, son ampleur et au fait qu’elle est souvent liée à l’abus de femmes et de filles, et à la prostitution, par exemple. C’est la raison pour laquelle la traite des personnes est qualifiée d’esclavage moderne (UNODC, 2009; Oxman-Martinez et Hanley, 2007) et une forme de violence sexuelle ou du genre (HCR, 2006). La pauvreté, l’instabilité politique, l’inégalité entre les sexes et les disparités entre les pays sont considérées comme des facteurs favorisant la pratique de la traite de personnes. Facteurs de risques dont les États devraient impérativement tenir compte afin de prévenir et enrayer le phénomène et protéger les victimes de la traite.

Notes

1. Principes directeurs sur la protection internationale no. 7: Application de l'Article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés aux victimes de la traite et aux personnes risquant d'être victimes de la traite, Doc. Off. HCR NU, 2006, Doc. NU HCR/GIP/06/07.

2. Consulter entre autres : Convention internationale relative à la répression de la traite des blanches, signée à Paris le 4 mai 1910, et amendée par le Protocole signé à Lake Success (New York), 4 mai 1949, 98 R.T.N.U. 101 (entrée en vigueur : 14 août 1951) ; Convention relative à l’esclavage, 25 septembre 1926, 60 R.T.N.U. 255 (entrée en vigueur : 9 mars 1927) ; Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, 21 mars 1950, 96 R.T.N.U. 271 (entrée en vigueur : 25 juillet 1951) ; Convention supplémentaire de relative à l’abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage, 7 décembre 1956, 266 R.T.N.U. 3 (entrée en vigueur : 30 avril 1957).

3. Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, 15 novembre 2000, 2237 R.T.N.U. 319 (entrée en vigueur : 25 décembre 2003) [Protocole relatif à la traite].

4. Protocole relatif à la traite, art. 3 par. a).

5. Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, Doc.A/55/383, adopté par la résolution A/RES/55/25 le 15 novembre 2000 et entré en vigueur le 28 janvier 2004 (ci-après Protocole contre le trafic).

6. Protocole contre le trafic, art.3.

7. Protocole relatif à la traite, art. 3 par. c).

8. Protocole relatif à la traite, art. 3 par. a).

 

Références 

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  • Brolan, Claire (2002). «An Analysis of the Human Smuggling Trade and the Protocole Agains Smuggling of Migrants by Land, Air and Sea (2000) from a Refugee Protection perspective», International Journal Refugee Law14(4).
  • Jimenez, Estibaliz (2009). «La distinction problématique entre la traite des personnes et le trafic de migrants risque de laisser sans protection les victimes de la traite», dans Laviolette, N., Poulin R., Prostitution et traite des êtres humains, enjeux nationaux et internationaux. Enjeux nationaux et internationaux, Éditions L’Interligne, Ottawa,  p.113-141.
  • Jimenez, Estibaliz (2010). Le combat contre le trafic des migrants au Canada : Contrôle migratoire d’abord, lutte au crime organisé ensuite, Berlin, Éditions Universitaires Européennes, p.458
  • Gallagher, Anne (2002). « Trafficking, smuggling and human rights: tricks and treaties », Forced Migration Review (12), p. 25-28.
  • UNGIFT (2009), Combattre la traite des personnes, Guide à l’usage des parlementaires n°16.
  • UNODC (2009). Rapport mondial sur la traite des personnes. Résumé analytique, Février 2009.
  • UNODC (2010), The globalization of crime. A Transnational Organized Crime Threat Assessment.
  • Oxman-Martinez, Jacqueline et Hanley, Jill  (2007). Traite des personnes. Montréal: Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes (CRI-VIFF).
  • Oxman-Martinez, Jacqueline; Jimenez, Estibaliz; Hanley, Jill (2008). "Trafficking in Men: an Exploration of an Overlooked Phenomenon", dans Chandana, G., Human Trafficking: A Socio Legal Study, Amicus Books, The ICFAI University Press. India, 2008, p. 25-72.
  • USA (2009). Department of State, Trafficking in persons report  2009.
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Sous la direction de Benoît Dupont et Stéphane Leman-Langlois

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