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Viol

 

Phénomène et crime particulièrement ancien sous ses diverses formes, le viol est longtemps demeuré un objet peu étudié par les sciences humaines et sociales. Si la socio-criminologie anglo-saxonne a commencé à s’y intéresser dès les années 1950 et a produit depuis plus de vingt ans des ouvrages de synthèse couvrant l'ensemble du sujet (par ex. Ellis, 1989 ; Allison, Wrightsman, 1993), en France il faut attendre les années 1990 pour que des connaissances empiriques systématisées soient produites régulièrement sur le sujet par des psychologues ou des psychiatres (par ex. Lopez, Filizzola, 1993 ; Balier, 1996) et par des historiens (par ex. Vigarello, 1998). Malgré des études pionnières (notamment Walzer-Lang, 1988), les études sociologiques sont plus récentes encore.

 

Dénonciation et criminalisation croissantes du viol  

 

Cette production de connaissances est la traduction d’un long processus de modification des sensibilités qui a fait éclore une volonté nouvelle de dévoilement des violences sexuelles. Depuis la Révolution française jusqu’aux luttes féministes des années 1970, la banalisation du viol a été dénoncée afin d’encourager la judiciarisation de ces faits longtemps laissés à la seule régulation des mœurs et aux arrangements entre les parties ou leurs familles. La première enquête de victimisation en France, portant spécifiquement sur les violences faites aux femmes (Jaspard et alii., 2003), rapporte que 2,7% des femmes interrogées ont été victimes d’un rapport sexuel forcé au cours de leur vie. Dans l’enquête CSF (Bajos, Bozon, 2008), réalisée six ans plus tard auprès d’un échantillon mixte, ce sont 6,8% des femmes et 1,5% des hommes qui déclarent avoir subi au moins un viol au cours de leur vie. Pour les chercheurs, l’ampleur de cette augmentation ne signifie pas un accroissement des viols mais une plus grande propension des victimes (ou de leurs proches) à déclarer les faits. Du côté des statistiques administratives, l’on relève une multiplication par cinq des faits de viol (ou tentative de viol) constatés par les services de police ou de gendarmerie en l’espace de 40 ans : dans les années 1970, autour de 1 500 viols par an sont enregistrés alors que l’on atteint aujourd’hui la barre des 10 000. Enfin, les statistiques judiciaires montrent une nette augmentation du nombre de personnes condamnées pour viol entre les années 1980 et aujourd’hui, ainsi qu’une sévérité accrue de la justice : de 1984 à 2008, la part des peines de 10 à 20 ans de prison pour les auteurs de viols a crû de 16 à 40 %. De fait, accompagnant l’évolution des sensibilités, le législateur a durci la réponse pénale jugée insuffisante ou inadaptée (Cochez, Guitz, Lemoussu, 2010). De nouvelles lois de prescription, un régime procédural inédit et de nouvelles peines font aujourd’hui du viol le crime le plus sévèrement réprimé dans la plupart des pays occidentaux.

 

Progrès de la connaissance scientifique des viols

 

Depuis la loi du 23 décembre 1980, le viol est défini par la loi française comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». Mais la loi ne s’occupant que du général, cette définition ne dit rien des réalités sociales et psychosociales qui se donnent à voir derrière la catégorie juridique du viol : les modalités et les contextes de l’agression, les parcours et les situations des auteurs et des victimes et leurs relations. Si les enquêtes de victimation ont permis d’aller plus loin dans la connaissance et la mesure du viol comme phénomène social et si les travaux psychologiques ont largement défriché la personnalité des criminels et l’impact physique et psychologique du viol sur les victimes (à quoi il faut ajouter les données collectées par les associations de victimes ou les collectifs de lutte contre le viol), il reste que les données pénales sont d’une incontestable richesse pour étudier ensemble les faits, les auteurs, les victimes et le traitement judiciaire, sous un angle à la fois qualitatif et quantitatif.

 

L’usage de cette source par les historiens, d’une part, tout comme une récente recherche basée sur l’examen de plusieurs centaines de dossiers judiciaires jugés aux Assises dans les années 2000 (Le Goaziou, 2011), d’autre part, montre que, derrière les représentations souvent simplifiées de ce crime, se profile un acte aux manifestations diverses et hétérogènes.

 

Derrière l'unité de la catégorie juridique, il existe en réalité plusieurs types et plusieurs formes de viols que l’on peut notamment classer en fonction des liens ou des relations entre les protagonistes (Le Goaziou, Mucchielli, 2010). Ce faisant, il apparaît que le viol – à l’instar de l'homicide – est avant tout un crime de proximité. Les deux tiers ou les trois quarts des viols, suivant les enquêtes, se déroulent dans des cercles d’interconnaissance affective ou relationnelle. Ce que nous proposons d'appeler les viols familiaux élargis (viols commis par des pères, des beaux-pères, d’autres ascendants, des collatéraux, des conjoints ou des « amis de la famille ») viennent largement en tête, suivis par des viols commis par des copains ou des amis des victimes, par des voisins ou bien encore, à une échelle de plus basse intensité relationnelle, par des relations ou des connaissances, du voisinage ou professionnelles. A contrario, l’auteur est inconnu de la victime dans un nombre réduit d’affaires, avec toutefois une assez grande variation suivant les territoires – les viols par inconnus étant en proportion plus importants dans les grandes villes ou dans les zones urbaines. Egalement très faible est la proportion de viols collectifs, phénomène fort ancien et qui demeurent relativement rare en dépit de sa récente médiatisation en France (Mucchielli, 2005). A titre indicatif, les viols collectifs représentent environ 7 % des crimes de viols condamnés en France en 2009, et ce pourcentage est sur ce point confirmé par les enquêtes de victimisation.

 

Les viols varient également en fréquence et en durée et les recherches montrent que plus les auteurs et les victimes évoluent dans des cercles de proximité étroite, plus les agressions sont longues et multipliées. Ainsi, dans la recherche récente sur dossiers judiciaires (Le Goaziou, 2011), quasiment tous les viols commis par des agresseurs peu connus ou inconnus des victimes sont des viols uniques. À l’inverse, les viols familiaux commis par des ascendants ou par des collatéraux sont dans leur grande majorité des viols répétés sur des moyennes (1 à 5 ans) ou des longues durées (5 ans et plus). De ce point de vue – et contrairement aux représentations communes notamment issues d’affaires de violeurs-tueurs largement médiatisées – les violeurs en série sont très rarement des personnes inconnues de leurs victimes. C’est bien plutôt dans le cercle familial qu’elles sévissent, où presque deux tiers des auteurs (dans les dossiers judiciaires étudiés) ont commis plusieurs agressions sexuelles et/ou plusieurs viols sur une ou plusieurs personnes de leur entourage pendant plusieurs années. C'est pourquoi, nous avons proposé le concept d'« abuseur-violeur en série de proximité ».

 

Les lieux, les moments et les circonstances sont également divers et variés. Les viols familiaux se déroulent quasi exclusivement au domicile des auteurs, qui est aussi très souvent celui des victimes, à différents moments de la journée, souvent initiés par des circonstances favorables au rapprochement des corps (toilette, bain, sieste, coucher, jeu, câlin…) lorsque l’auteur et la victime se retrouvent seuls, mais parfois avec la complicité passive, la résignation ou la soumission des autres membres de la famille. Le domicile commun est également le lieu où se commettent les viols conjugaux, très souvent assortis de coups et de brutalités physiques, dans la mesure où les femmes violées par leur conjoint sont aussi des femmes battues. En-dehors du cercle familial ou de voisinage, les lieux sont plus diversifiés – chambre d’hôtel, maison de vacances, ascenseur, voiture, bord de chemin… –, et les viols sont plus souvent commis le soir ou la nuit, en particulier lorsque l’auteur et la victime ne se connaissent pas du tout au moment des faits.

 

Auteurs et victimes de viols

 

En dépit de quelques exceptions, les auteurs de viols sont quasiment toujours des hommes. Et des hommes en moyenne assez jeunes (environ 30 ans), légèrement plus âgés dans les viols familiaux (qui impliquent notamment des grands-pères), au contraire très jeunes adultes voire mineurs dans des viols commis par des collatéraux (frères, cousins) ou dans des viols collectifs. Si les victimes sont généralement plus jeunes que les auteurs, les âges varient suivant les types de viols. Les victimes de viols commis par des membres de la famille (hors viols conjugaux) sont quasiment toujours des mineurs et l’on compte même une très grande proportion d’enfants – dans la recherche sur dossiers judiciaires (Le Goaziou, 2011), deux tiers des victimes de viols familiaux n’ont pas 10 ans. Les victimes de viols commis par des copains, des amis ou des voisins, ou par des adultes remplissant une fonction pédagogique ou éducative, ainsi que les viols collectifs sont également souvent des mineurs mais avec une proportion plus importante d’adolescents. Enfin les femmes violées par leur conjoint (ou ex-conjoint) ou leur petit ami ou bien celles qui sont violées par un inconnu sont quasiment toujours des adultes – avec même plusieurs cas de femmes de plus de 40 ans. Néanmoins, c’est un fait depuis longtemps établi, le jeune âge est un facteur de risque des violences sexuelles. Les enquêtes réalisées à l’échelle nationale ou internationale (OMS, 2002) montrent que ce sont les enfants, les adolescents et les jeunes adultes qui sont les plus touchés.

 

En revanche – contrairement à une idée également souvent répandue –, les victimes de viols ne sont pas toutes de sexe féminin. Dans l’enquête CSF déjà citée, 1,5 % des hommes interrogés ont déclaré avoir été violé au moins une fois au cours de leur vie (pour 6,8 % des femmes) et dans l’enquête « Cadre de vie et sécurité » de l’INSEE, ils sont 0,2 % à avoir déclaré au moins un acte de violence sexuelle (viol ou autre agression sexuelle) au cours de l’année passée (pour 0,9 % pour les femmes). Dans la recherche sur les viols jugés aux Assises, une victime sur cinq est de sexe masculin mais elles ne se répartissent pas de la même façon suivant les types de viols. Inexistantes dans les viols conjugaux et rarissimes dans les viols collectifs et les viols commis par des personnes peu connues ou inconnues, elles sont en revanche plus nombreuses dans les viols familiaux (24 %). L’on trouve même une proportion plus importante de victimes de sexe masculin dans les viols commis par des amis de la famille et dans les viols commis par des personnes entretenant une relation de type pédagogique ou éducatif (enseignant, animateur, auxiliaire de vie…) avec de jeunes garçons. Car les victimes de sexe masculin sont en effet quasi exclusivement des enfants ou des adolescents ; l’on ne trouve qu’une proportion très marginale d’hommes adultes. Certes, les fillettes, les adolescentes et les femmes sont sans conteste plus souvent victimes de viols que les garçons ou les hommes, mais l’on peut néanmoins faire l’hypothèse que ces victimes masculines, plus encore que les femmes, taisent ce qui leur est arrivé. L’obstacle tient vraisemblablement à l’atteinte à la masculinité que représente ce type d’agression et au fait que le viol est aujourd’hui encore quasi exclusivement pensé et dénoncé lorsque des filles ou des femmes le subissent (King, Mezey, 2000).

 

Diversité des milieux sociaux et des profils individuels

 

Les enquêtes de victimisation montrent que les violences sexuelles dont l’auteur est connu concernent les différents milieux sociaux dans des proportions équivalentes, ce qui contredit l’hypothèse souvent avancée d’une plus grande fréquence de violences sexuelles exercées par les hommes dans les groupes sociaux les plus défavorisés. En revanche, dans les affaires de viols condamnées par la justice, l'on observe une sur-représentation des auteurs appartenant aux milieux populaires, voire à ses franges les plus précarisées. Cette sur-représentation des milieux populaires n’est pas un constat nouveau en matière judiciaire et ce, quelles que soient les infractions concernées. Inversement, les membres des milieux sociaux favorisés sont sous-représentés parmi les personnes condamnées, au regard de leur poids dans la population. Deux principaux mécanismes peuvent probablement expliquer cette distorsion, que l'on constate aussi dans le domaine de la maltraitance infantile (Flaherty, Sege, 2005). D’un côté, un phénomène de sous-judiciarisation des faits au sein des milieux aisés qui disposent d’une série de filtres pour prévenir la divulgation des faits et, le cas échéant, pour se prémunir face à l’action de la police et de la justice. De l’autre côté, une attention particulière portée aux populations défavorisées par les services médico-sociaux, les institutions éducatives ou les antennes judiciaires conduisant à une plus grande détection des faits illicites commis en leur sein.

 

La littérature des sciences psychologiques sur les auteurs de violences sexuelles montre de son côté qu’il n’y a pas de délinquant sexuel type et que l’abuseur sexuel ne peut être défini sous une unique structure de personnalité, fut-elle pathologique, et son acte être compris comme la traduction symptomatique d’une maladie mentale spécifique (Hamon, 1999), même dans le cas des meurtriers sexuels (Proulx, Cusson, Beauregard, Nicole, 2005). Reste pourtant que le passage à l’acte, chez les abuseurs sexuels, peut être perçu comme la traduction d’un trouble de l’identité, produit par divers manques ou formes de maltraitances. Les expertises rédigées par les psychologues ou les psychiatres dans la recherche sur les viols judiciarisés indiquent que quasiment la moitié des auteurs ont connu des carences éducatives ou psychoaffectives durant leur enfance ou leur adolescence, quatre sur dix ont évolué dans un univers familial marqué par la violence, un tiers ont été placés dans des structures éducatives ou ont fait l’objet d’un suivi par les services sociaux ou judiciaires et un auteur sur cinq avait l’un ou l’autre de ses parents alcoolique. En revanche, la thèse de la reproduction générationnelle des violences sexuelles (l’abuseur sexuel lui-même abusé) fait aujourd’hui encore l’objet d’un questionnement tant les proportions indiquées dans les diverses enquêtes varient grandement (de 15 à plus de 50 %).

 

L’examen des dossiers judiciaires permet enfin de déterminer le profil judiciaire des auteurs de viols condamnés. Généralement, les auteurs de viols familiaux ne sont pas connus de la police ou de la justice antérieurement aux faits, pas même en matière d’infractions sexuelles alors que ce sont pourtant des abuseurs multi-réitérants, mais non dénoncés. À l’inverse, les auteurs peu connus ou inconnus des victimes – par ailleurs souvent situés aux échelons les plus bas de l’échelle sociale – sont au contraire des poly-délinquants. Déjà poursuivis principalement pour des atteintes contre les biens ou des délinquances d’ordre public, quatre sur dix avait également été mis en cause ou condamné pour des délits ou des crimes à caractère sexuel.

 

De même qu’il n’y a pas d’abuseur sexuel type, les victimes de viols ne présentent pas non plus de profils spécifiques – hormis leur (très) jeune âge et leur sexe. Et les enquêtes quantitatives montrent que les personnes ayant subi des viols appartiennent à tous les milieux sociaux. En revanche, dans la mesure où le viol est d’abord une violence entre proches et que des liens préexistent entre les auteurs et les victimes, la proximité qui les lie est très souvent géographique et sociale, mais parfois aussi psychologique. Dès lors – hormis dans les affaires de viols par inconnus où auteurs et victimes sont au contraire très dissemblants –, ce sont plutôt d’assez fortes ressemblances entre les protagonistes qui peuvent être relevées. Dans la recherche sur les viols judiciarisés, la moitié des victimes avaient évolué durant leur enfance ou leur adolescence (ou évoluaient encore pour les mineurs) dans un environnement familial à caractère violent. Et un tiers avait vécu un ou plusieurs événements difficiles, d’ordre psychologique, affectif ou éducatif (troubles psychologiques ou mentaux d’un adulte proche, placement ou suivi, négligences, etc.).

 

Perspectives d'évolution de la réaction sociale

 

Si les viols – comme les autres formes de violences interpersonnelles (Mucchielli, 2008) – sont aujourd’hui de moins en moins tolérés et de plus en plus dénoncés et condamnés par la justice, il n’en reste pas moins que la marge de progression de ce contentieux est énorme car les taux de renvois de ces violences vers les institutions pénales restent encore très faibles. Parmi les femmes qui avaient parlé du viol ou de la tentative de viol qu’elles avaient subi, à peine 10 % dans l’enquête ENVEFF avaient déposé une plainte. Et la proportion était deux fois plus faible dans l’enquête CSF (seulement 4,2 % des femmes et 0,6 % des hommes avaient déclaré les faits). L’édition 2008 de l’enquête de l’INSEE, qui porte sur les violences subies au cours de l’année écoulée, indique quant à elle qu'environ 9 % des victimes ont porté plainte pour des violences sexuelles (viols et agressions sexuelles) hors ménage et la proportion est encore plus basse lorsque ces violences ont été commises au sein du ménage. En clair, aujourd’hui encore, porter plainte en cas de viol demeure une démarche rare. De plus, ce mouvement de judiciarisation n’est pas uniforme. Si les incestes sont de plus en plus divulgués, les viols conjugaux résistent en revanche davantage à la levée du silence, alors que leur fréquence est pourtant élevée. Quant aux victimes de sexe masculin, elles sont encore dans le mutisme et l’enfouissement des faits. La dénonciation des faits n’adopte pas non plus le même rythme et, généralement, plus les auteurs et les victimes sont proches (et en particulier lorsque les victimes sont des enfants), plus les faits tardent à être divulgués. En revanche, les victimes de viols par inconnus, lorsqu’elles déclarent les faits, déposent plainte dans un très court délai. Enfin, la judiciarisation se révèle aussi très inégale selon les milieux sociaux et il apparaît que les viols commis dans des cercles de proximité (en particulier les incestes, viols familiaux élargis et viols conjugaux) demeurent surtout dissimulés dans les classes sociales les plus favorisées.
 
Juin 2011
 
Références
 
  • ALLISON J., WRIGHTSMAN L., 1993, Rape, the misunderstood crime, Sage Publications.
  • BAJOS N., BOZON M., 2008, Les agressions sexuelles en France : résignation, réprobation, révolte, in BAJOS N., BOZON M., (dir.), Enquête sur la sexualité en France, Paris, La Découverte, 381-407.
  • Balier C, 1996, Rapport de recherche sur les auteurs d’agressions sexuelles, Paris, la Documentation française.
  • COCHEZ F., GUITZ I., LEMOUSSU P., 2010, Le traitement judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles, Les numéros juridiques, Actualités Sociales Hebdomadaires.
  • ELLIS L., 1989, Theories of Rape: Inquiries Into the Causes of Rape, Oxford, Taylor & Francis.
  • FLAHERTY E., SEGE R., 2005, « Barriers to physician identification and reporting of child abuse », Pediatric Annals, 34, 349-356.
  • HAMON F., 1999, Délinquance sexuelle et crimes sexuels, Paris, Masson
  • JASPARD M. (dir.), 2003, Les violences envers les femmes en France. Une enquête nationale, Paris, La Documentation Française.
  • KING M., MEZEY G., 2000, Male victims of sexual assault, Oxford, Oxford University Press.
  • LE GOAZIOU V., 2011, Le viol. Sociologie d’un crime, La Documentation française.
  • LE GOAZIOU V.,  MUCCHIELLI L., 2010, « Les viols jugés en cours d’assises : typologie et variations géographiques », Questions pénales, 4, 1-4.
  • LOPEZ G., FILIZZOLA G., Le viol, Paris, Presses Universitaires de France.
  • MUCCHIELLI L., 2005, Le scandale des « tournantes ». Dérive médiatique, contre-enquête sociologique, Paris, La Découverte.
  • MUCCHIELLI L., 2008, « Une société plus violente ? Analyse socio-historique des violences interpersonnelles en France, des années 1970 à nos jours », Déviance et société, 2, 115-147.
  • OMS, 2002, La violence sexuelle, Rapport mondial sur la violence et la santé, Genève, Organisation Mondiale de la Santé.
  • PROULX J., CUSSON M., BEAUREGARD E., NICOLE A., (dir.), 2005, Les meurtriers sexuels: Analyse comparative et nouvelles perspectives, Montréal, Presses de l’Université de Montréal.
  • VIGARELLO G., 1998, Histoire du viol. XVIe-XXIe siècles, Paris, Seuil.
  • WELZER-LANG D., 1988, Le viol au masculin, Paris, L'Harmattan.

 

 

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Terrorisme

 

Définition

Bien que le terme soit galvaudé, il est tout de même possible de donner une définition du terrorisme qui, bien qu’elle ne soit pas utilisée exactement comme telle par tous les chercheurs, ressemble suffisamment aux multiples définitions courantes pour être généralisée. Il s’agit d’une définition restrictive qui porte sur les stratégies et les actes des terroristes et non sur l’identité ou la personnalité des individus, sur la nature de leurs revendications ou sur les lois applicables, qui seront des aspects éternellement litigieux. Elle comprend 4 éléments essentiels :

1. Violence ou menace de violence. Accepter comme « terrorisme » un acte purement intellectuel ou symbolique réduit notre capacité d’analyser le terrorisme en diluant la définition outre mesure. Une forme d’action physique, ou du moins une menace crédible d’une telle action, doit exister. Bien sûr, le seuil de gravité de cette violence reste subjectif.

2. Présence d’un motif politique. Pour qu’un acte soit un acte terroriste, il faut absolument que son auteur l’ait commis principalement pour déclencher, favoriser, empêcher ou punir une conduite institutionnelle gouvernementale, communautaire ou industrielle. Ceci exclut la vengeance individuelle, l’extorsion, les attaques racistes, toute la criminalité axée vers la production de profits matériels ou financiers et tout acte de violence commis pour assurer la continuité de ces activités.

3. Asymétrie. L’acteur terroriste se trouve dans une position d’extrême déséquilibre de pouvoir face à ses cibles principales. Bien que des États sponsorisent plusieurs individus et groupes s’adonnant à des activités terroristes, le contexte de l’action de chacun de ces groupes reste caractérisé par une asymétrie de pouvoir.

a. Premier corollaire : l’expression « terrorisme d’État », qui identifie un phénomène de première importance, renvoie donc à une forme d’activité, ou un phénomène, de nature différente du terrorisme proprement dit. Il s’agit généralement d’oppression et de répression politique commise par des agents de l’État pour le compte de l’État et avec sa permission explicite ou tacite de le faire (du point de vue de l’agent : cette permission n’est généralement pas du domaine public). On le voit, cette catégorie a historiquement fait plusieurs milliers de fois plus de victimes que le terrorisme ordinaire. Sa logique de fonctionnement est toutefois complètement différente.

b. Second corollaire : la notion d’asymétrie exclue également les activités de groupes de guérilla ou insurgés. Bien que leur puissance soit moindre que celle de l’État dans lequel ils sévissent, elle reste à peu près comparable, surtout dans les territoires qu’ils arrivent à contrôler. Il n’est pas rare que ces groupes commettent des actes de terrorisme, mais il faut éviter d’assimiler toutes leurs activités à du terrorisme.

4. A pour cible immédiate des civils non engagés dans un combat armé. Bien qu’on identifie souvent des troupes irrégulières lancées dans une attaque suicide ou clandestine contre des forces armées militaires ou policières comme « terroristes », il s’agit d’une mauvaise utilisation du terme. Le terrorisme a pour cible immédiate, ou directe (les victimes de violence) et indirecte (l’auditoire qu’on veut impressionner) la population civile dans son ensemble, ou du moins des sous-groupes non individualisés.

a. Premier corollaire : tout acte de terrorisme a pour but, entre autres, la communication. Il peut s’agir de la communication d’un message particulier (il est mal de tester des produits sur des animaux), d’un programme politique (le maoïsme est une organisation politique idéale), de supériorité morale, etc. L’acte terroriste vise surtout un auditoire et beaucoup moins ses victimes immédiates (même dans le cas d’actes particulièrement destructeurs, comme celui du 9/11)

b. Second corollaire : en général, les assassinats politiques ne sont pas des actes terroristes, à moins qu’ils ne fassent partie d’une campagne de violence politique.

Ces 4 éléments de définition restreignent un tant soi peu le champ du terrorisme mais restent très flous. Au-delà, le chercheur doit se pencher sur un phénomène plus précis que « le terrorisme » en général et définir plus spécifiquement le groupe, l’époque, le lieu et les activités qui l’intéressent. Ceci n’est pas particulièrement déstabilisant pour le criminologue, qui sait pertinemment que cette même difficulté de définition existe pour le mot « crime » ...ce qui ne l’empêche pas de faire des recherche sur les homicides conjugaux ou le vol de voitures organisé.

Enfin, un dernier aspect est à souligner, malgré le fait qu’il ne soit probablement pas souhaitable de l’inclure dans les éléments de définition ci-dessus, parce qu’il fait partie davantage du contexte que des actes à définir. Il s’agit du contexte socio-politique dans lequel le terrorisme se déploie. Nos conceptions, ainsi que nos définitions du terrorisme (pas seulement celle fournie ci-dessus) sont fortement influencées par le contexte dans lequel nous les avons formés, c’est-à-dire l’Occident des démocraties libérales modernes et pacifiées. La pertinence du concept s’évapore rapidement lorsqu’on le trempe dans le contexte d’États déchus (Somalie) ou aux prises avec une guerre civile, par exemple (Afghanistan, Irak, Sri Lanka). Ainsi, la comparaison de statistiques internationales du terrorisme doit être faite avec la plus grande prudence.

 

Historique

Bien qu’on puisse retrouver des actes s’apparentant au terrorisme dès l’époque de l’Empire romain, il est douteux qu’une telle généalogie soit réellement utile à celui qui tente de comprendre le phénomène dans sa forme contemporaine. Certains auteurs hésitent même à amalgamer la vague terroriste des années 1960 à celle qui prévaut aujourd’hui, à laquelle il se réfèrent sous le vocable de « nouveau terrorisme ». Cette position set extrême, mais il n’en reste pas moins que les comparaisons entre zélotes, nihilistes et ben ladenistes sont rarement éclairantes.

Par contre, il est non seulement utile mais nécessaire à toute bonne compréhension du phénomène terroriste de le replacer dans une chronologie historique afin de saisir un de ces aspects cruciaux : son évolution dans le temps. À ce chapitre, quelques aspects importants sont à noter. Premièrement, en termes du nombre d’attaques, c’est la décennie 1980 qui est la plus prolifique entre 1950 et 2010. Au Canada, c’est par un facteur de 5 à 10 fois plus pour chaque année. Ce phénomène est le même dans tous les pays occidentaux. Deuxièmement, il semble par contre qu’en moyenne, les attaques aient été plus meurtrières depuis les années 1990. Alors que les terroristes des années 1980 posaient des bombes souvent à portée symbolique, à l’occasion téléphonant à l’avance pour faire évacuer les lieux, ou encore procédaient à des détournements d’avion ou à des attaques à l’arme légère, une série d’attentats très meurtriers a débuté à la mi-1990. C’est le « nouveau terrorisme » que certains auteurs ont cru identifier : plus spectaculaire, moins scrupuleux et plus souvent couronné de succès car souvent commis par des individus prêts à se sacrifier pour la cause.

 

Types de terrorisme

La littérature fait souvent état de « types de terrorisme » mais les typologies peuvent être organisées sous différents critères. Il est possible de distinguer entre terroristes selon la nature de leur but : certains ont des objectifs très spécifiques, comme la protection des animaux, alors que d’autres désirent réformer l’ensemble de la structure politique et économique d’une société. D’autres encore visent la sécession politique d’un territoire associé à un groupe nationale. On peut également distinguer les terroristes selon leur forme d’organisation, des individus aux groupes établis et centralisés, en passant par les structures cellulaires et les réseaux décentralisés. On peut choisir de différencier les niveaux de violence utilisés, selon qu’il s’agisse de destruction de propriété, d’attentats dirigés ou de meurtres de masse. Il est également possible de faire une typologie des méthodes utilisées, qui tendent à une certaine uniformité pour un groupe donné : l’utilisation de bombes traditionnelles (laissées sur place ou envoyées), l’utilisation de bombes livrées par des agents sacrifiés (terrorisme suicide), d’armes légères, de produits toxiques et d’armes à dispersion large (chimique ou bactériologique), etc. Enfin, certains auteurs (Leman-Langlois et Brodeur, 2010) ont également proposé une typologie matricielle fondée sur la chronologie de la justification explicite proposée par les terroristes pour leurs actions et sur l’ampleur du changement qu’ils désirent provoquer.

 

Succès et échecs

Il est souvent question des résultats du terrorisme, pour plusieurs raisons. Premièrement, d’un point de vue rationnel il semble fondamental que le terrorisme fonctionne de temps à autre sinon son l’adoption serait une stratégie perdante avec aucun exemple de succès auquel s’accrocher. D’une manière ou d’une autre, si le terroriste décide d’avoir recours à la violence pour entraîner un processus politique, il doit avoir de bonnes raisons de croire que ses efforts porteront fruit. Deuxièmement, du point de vue de la sécurité du public et des États, la probabilité que des terroristes réussissent à déstabiliser l’État en s’attaquant à ses institutions, la société civile en décimant la population ou la structure économique du pays en paralysant ses infrastructures est bien sûr d’un intérêt particulier. Prenons les trois aspects à tour de rôle.

Déstabiliser un État occidental est non seulement peu probable, mais il n’existe en fait aucun exemple de succès terroriste à cette échelle. Même le Royaume-Uni, au plus fort de la crise de la PIRA, ne risqua jamais d’être déstabilisé; les institutions de l’État restèrent toujours fonctionnelles — bien qu’ayant dû être quelque peu adaptées aux circonstances. Bien sûr, il existe tout de même des exemples de succès : les terroristes sionistes de l’Irgun, par exemple, parvinrent à chasser l’administration britannique de Palestine pour y instaurer Israël, entre autres en faisant exploser le quartier général de la force d’occupation à l’hôtel King David en 1946 (91 morts).

Il y a d’autres formes de « succès » à considérer, surtout si on tient compte de la multiplicité usuelle des objectifs du terroriste moyen. Renverser un régime peut en faire partie, mais d’autres buts s’y marient presque toujours : faire parler de soi, se venger, infliger des pertes à l’occupant, etc. Ainsi, certaines attaques suicides tiennent d’une rationalité différentes et visent surtout à faire du mal à l’ennemi. Ainsi, plusieurs formes de terrorisme s’attaquent directement à la société civile ou à certains de ses composantes ethniques, sociales ou économiques qui sont vues comme responsables d’un tort ou inactives devant une catastrophe qu’elles pourraient soulager. Prendre le citoyen moyen comme cible sert également à tenter de le pousser à faire pression sur ses institutions pour que les désirs du terroriste soient pris en compte. Au total, le bilan est hautement mitigé : tous les actes terroristes qui n’ont d’autre but que d’affecter leur cible immédiate sont toujours des « succès », puisqu’ils n’ont pas de but extérieur. Cependant, ceux qui espèrent mobiliser une population en la prenant pour cible n’ont aucun exemple de succès à offrir. Ou plutôt, lorsque les populations se mobilisent, c’est plutôt contre les terroristes. On doit conclure ce paragraphe par un mot sur l’idée que la mobilisation anti-terroriste puisse justement être le but du terroriste : en demandant et en obtenant un durcissement exagéré des mesures de sécurité, le public se placerait en position de victoire pyrrhique puisque ce durcissement aurait pour résultat la destruction du mode de vie qu’il était censé protéger. Les terroristes se frotteraient donc les mains de satisfaction à la vue des libertés perdues dans les pays occidentaux. Cet argument nous semble difficile à soutenir. D’une part, il procède essentiellement d’une série de déductions subjectives de la part d’observateurs distants. D’autre part, il semble facétieux d’affirmer que le but d’Ossama ben Laden était que les Occidentaux « perdent de leurs libertés », surtout si c’est en se protégeant mieux contre ses attaques. Enfin, c’est le genre d’argument qui parvient à faire de tout résultat un succès : les terroristes réussiront toujours à quelque chose, ce qui est peu utile à l’analyse.

Enfin, la préoccupation de l’heure porte sur la sécurité des infrastructures. Les infrastructures de transport public (aviation, transport ferroviaire, autobus, navires) sont bien sûr des cibles de choix depuis des décennies. Cependant, les autres types d’infrastructure (eau potable, électricité, produits chimiques de base, télécommunications, réseaux financiers, production et distribution de nourriture) ont jusqu’ici très peu été attaqués. Le foyer d’attention est surtout la capacité appréhendée d’effectuer des attaques à partir d’ordinateurs lointains qui parviendraient à paralyser un réseau électrique ou informatique — un « cyberterrorisme » qui jusqu’ici reste surtout limité à des attaques de déni de service (DDoS) contre des sites Internet gouvernementaux ou privés, avec des dégâts mineurs.

 

Avril 2010

Références

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  • Crenshaw, Martha (1995), Terrorism in Context, Philadelphie, Pennsylvania State University.
  • Équipe de recherche sur le terrorisme et l’antiterrorisme http://www.erta-tcrg.org.
  • Hoffman, Bruce (2006), Inside Terrorism, Revised and Expanded Edition, New York, Columbia University Press.
  • Kepel, Gilles (2003), Jihad, Paris, Gallimard.
  • Laqueur, Walter (2003), No End to War : Terrorism in the Twenty-First Century, New York, Continuum.
  • Leman-Langlois, Stéphane et Jean-Paul Brodeur (2010) « Terrorism Old and New : Counterterrorism in Canada », A Turk, D. Das et J. Ross, Terrorism, Counterterrorism and Internal Wars : Examining International Political Violence, Londres, Routledge.
  • Leman-Langlois, Stéphane et Jean-Paul Brodeur (dir. 2009), Terrorisme et antiterrorisme au Canada, Montréal, Presses de l’Université de Montréal.
  • Marret, Jean-Luc (1997), Les techniques du terrorisme, Paris, PUF.
  • National Commission on Terrorist Attacks Upon the United States (2003), The 9/11 Commission Report, Authorized Edition, New York, Norton.
  • Schmid, Alex et Jongman, Albert (1988), Political Terrorism A New Guide to Actors, Authors, Concepts, Data Bases, Theories and Literature. Revised, Expanded and Updated Edition, New Brunswick (New Jersey), Transaction.
  • Wilkinson, Paul (2000), Terrorism versus Democracy : The Liberal State Response, Londres, Frank Cass.
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Sous la direction de Benoît Dupont et Stéphane Leman-Langlois

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