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Viol

 

Phénomène et crime particulièrement ancien sous ses diverses formes, le viol est longtemps demeuré un objet peu étudié par les sciences humaines et sociales. Si la socio-criminologie anglo-saxonne a commencé à s’y intéresser dès les années 1950 et a produit depuis plus de vingt ans des ouvrages de synthèse couvrant l'ensemble du sujet (par ex. Ellis, 1989 ; Allison, Wrightsman, 1993), en France il faut attendre les années 1990 pour que des connaissances empiriques systématisées soient produites régulièrement sur le sujet par des psychologues ou des psychiatres (par ex. Lopez, Filizzola, 1993 ; Balier, 1996) et par des historiens (par ex. Vigarello, 1998). Malgré des études pionnières (notamment Walzer-Lang, 1988), les études sociologiques sont plus récentes encore.

 

Dénonciation et criminalisation croissantes du viol  

 

Cette production de connaissances est la traduction d’un long processus de modification des sensibilités qui a fait éclore une volonté nouvelle de dévoilement des violences sexuelles. Depuis la Révolution française jusqu’aux luttes féministes des années 1970, la banalisation du viol a été dénoncée afin d’encourager la judiciarisation de ces faits longtemps laissés à la seule régulation des mœurs et aux arrangements entre les parties ou leurs familles. La première enquête de victimisation en France, portant spécifiquement sur les violences faites aux femmes (Jaspard et alii., 2003), rapporte que 2,7% des femmes interrogées ont été victimes d’un rapport sexuel forcé au cours de leur vie. Dans l’enquête CSF (Bajos, Bozon, 2008), réalisée six ans plus tard auprès d’un échantillon mixte, ce sont 6,8% des femmes et 1,5% des hommes qui déclarent avoir subi au moins un viol au cours de leur vie. Pour les chercheurs, l’ampleur de cette augmentation ne signifie pas un accroissement des viols mais une plus grande propension des victimes (ou de leurs proches) à déclarer les faits. Du côté des statistiques administratives, l’on relève une multiplication par cinq des faits de viol (ou tentative de viol) constatés par les services de police ou de gendarmerie en l’espace de 40 ans : dans les années 1970, autour de 1 500 viols par an sont enregistrés alors que l’on atteint aujourd’hui la barre des 10 000. Enfin, les statistiques judiciaires montrent une nette augmentation du nombre de personnes condamnées pour viol entre les années 1980 et aujourd’hui, ainsi qu’une sévérité accrue de la justice : de 1984 à 2008, la part des peines de 10 à 20 ans de prison pour les auteurs de viols a crû de 16 à 40 %. De fait, accompagnant l’évolution des sensibilités, le législateur a durci la réponse pénale jugée insuffisante ou inadaptée (Cochez, Guitz, Lemoussu, 2010). De nouvelles lois de prescription, un régime procédural inédit et de nouvelles peines font aujourd’hui du viol le crime le plus sévèrement réprimé dans la plupart des pays occidentaux.

 

Progrès de la connaissance scientifique des viols

 

Depuis la loi du 23 décembre 1980, le viol est défini par la loi française comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». Mais la loi ne s’occupant que du général, cette définition ne dit rien des réalités sociales et psychosociales qui se donnent à voir derrière la catégorie juridique du viol : les modalités et les contextes de l’agression, les parcours et les situations des auteurs et des victimes et leurs relations. Si les enquêtes de victimation ont permis d’aller plus loin dans la connaissance et la mesure du viol comme phénomène social et si les travaux psychologiques ont largement défriché la personnalité des criminels et l’impact physique et psychologique du viol sur les victimes (à quoi il faut ajouter les données collectées par les associations de victimes ou les collectifs de lutte contre le viol), il reste que les données pénales sont d’une incontestable richesse pour étudier ensemble les faits, les auteurs, les victimes et le traitement judiciaire, sous un angle à la fois qualitatif et quantitatif.

 

L’usage de cette source par les historiens, d’une part, tout comme une récente recherche basée sur l’examen de plusieurs centaines de dossiers judiciaires jugés aux Assises dans les années 2000 (Le Goaziou, 2011), d’autre part, montre que, derrière les représentations souvent simplifiées de ce crime, se profile un acte aux manifestations diverses et hétérogènes.

 

Derrière l'unité de la catégorie juridique, il existe en réalité plusieurs types et plusieurs formes de viols que l’on peut notamment classer en fonction des liens ou des relations entre les protagonistes (Le Goaziou, Mucchielli, 2010). Ce faisant, il apparaît que le viol – à l’instar de l'homicide – est avant tout un crime de proximité. Les deux tiers ou les trois quarts des viols, suivant les enquêtes, se déroulent dans des cercles d’interconnaissance affective ou relationnelle. Ce que nous proposons d'appeler les viols familiaux élargis (viols commis par des pères, des beaux-pères, d’autres ascendants, des collatéraux, des conjoints ou des « amis de la famille ») viennent largement en tête, suivis par des viols commis par des copains ou des amis des victimes, par des voisins ou bien encore, à une échelle de plus basse intensité relationnelle, par des relations ou des connaissances, du voisinage ou professionnelles. A contrario, l’auteur est inconnu de la victime dans un nombre réduit d’affaires, avec toutefois une assez grande variation suivant les territoires – les viols par inconnus étant en proportion plus importants dans les grandes villes ou dans les zones urbaines. Egalement très faible est la proportion de viols collectifs, phénomène fort ancien et qui demeurent relativement rare en dépit de sa récente médiatisation en France (Mucchielli, 2005). A titre indicatif, les viols collectifs représentent environ 7 % des crimes de viols condamnés en France en 2009, et ce pourcentage est sur ce point confirmé par les enquêtes de victimisation.

 

Les viols varient également en fréquence et en durée et les recherches montrent que plus les auteurs et les victimes évoluent dans des cercles de proximité étroite, plus les agressions sont longues et multipliées. Ainsi, dans la recherche récente sur dossiers judiciaires (Le Goaziou, 2011), quasiment tous les viols commis par des agresseurs peu connus ou inconnus des victimes sont des viols uniques. À l’inverse, les viols familiaux commis par des ascendants ou par des collatéraux sont dans leur grande majorité des viols répétés sur des moyennes (1 à 5 ans) ou des longues durées (5 ans et plus). De ce point de vue – et contrairement aux représentations communes notamment issues d’affaires de violeurs-tueurs largement médiatisées – les violeurs en série sont très rarement des personnes inconnues de leurs victimes. C’est bien plutôt dans le cercle familial qu’elles sévissent, où presque deux tiers des auteurs (dans les dossiers judiciaires étudiés) ont commis plusieurs agressions sexuelles et/ou plusieurs viols sur une ou plusieurs personnes de leur entourage pendant plusieurs années. C'est pourquoi, nous avons proposé le concept d'« abuseur-violeur en série de proximité ».

 

Les lieux, les moments et les circonstances sont également divers et variés. Les viols familiaux se déroulent quasi exclusivement au domicile des auteurs, qui est aussi très souvent celui des victimes, à différents moments de la journée, souvent initiés par des circonstances favorables au rapprochement des corps (toilette, bain, sieste, coucher, jeu, câlin…) lorsque l’auteur et la victime se retrouvent seuls, mais parfois avec la complicité passive, la résignation ou la soumission des autres membres de la famille. Le domicile commun est également le lieu où se commettent les viols conjugaux, très souvent assortis de coups et de brutalités physiques, dans la mesure où les femmes violées par leur conjoint sont aussi des femmes battues. En-dehors du cercle familial ou de voisinage, les lieux sont plus diversifiés – chambre d’hôtel, maison de vacances, ascenseur, voiture, bord de chemin… –, et les viols sont plus souvent commis le soir ou la nuit, en particulier lorsque l’auteur et la victime ne se connaissent pas du tout au moment des faits.

 

Auteurs et victimes de viols

 

En dépit de quelques exceptions, les auteurs de viols sont quasiment toujours des hommes. Et des hommes en moyenne assez jeunes (environ 30 ans), légèrement plus âgés dans les viols familiaux (qui impliquent notamment des grands-pères), au contraire très jeunes adultes voire mineurs dans des viols commis par des collatéraux (frères, cousins) ou dans des viols collectifs. Si les victimes sont généralement plus jeunes que les auteurs, les âges varient suivant les types de viols. Les victimes de viols commis par des membres de la famille (hors viols conjugaux) sont quasiment toujours des mineurs et l’on compte même une très grande proportion d’enfants – dans la recherche sur dossiers judiciaires (Le Goaziou, 2011), deux tiers des victimes de viols familiaux n’ont pas 10 ans. Les victimes de viols commis par des copains, des amis ou des voisins, ou par des adultes remplissant une fonction pédagogique ou éducative, ainsi que les viols collectifs sont également souvent des mineurs mais avec une proportion plus importante d’adolescents. Enfin les femmes violées par leur conjoint (ou ex-conjoint) ou leur petit ami ou bien celles qui sont violées par un inconnu sont quasiment toujours des adultes – avec même plusieurs cas de femmes de plus de 40 ans. Néanmoins, c’est un fait depuis longtemps établi, le jeune âge est un facteur de risque des violences sexuelles. Les enquêtes réalisées à l’échelle nationale ou internationale (OMS, 2002) montrent que ce sont les enfants, les adolescents et les jeunes adultes qui sont les plus touchés.

 

En revanche – contrairement à une idée également souvent répandue –, les victimes de viols ne sont pas toutes de sexe féminin. Dans l’enquête CSF déjà citée, 1,5 % des hommes interrogés ont déclaré avoir été violé au moins une fois au cours de leur vie (pour 6,8 % des femmes) et dans l’enquête « Cadre de vie et sécurité » de l’INSEE, ils sont 0,2 % à avoir déclaré au moins un acte de violence sexuelle (viol ou autre agression sexuelle) au cours de l’année passée (pour 0,9 % pour les femmes). Dans la recherche sur les viols jugés aux Assises, une victime sur cinq est de sexe masculin mais elles ne se répartissent pas de la même façon suivant les types de viols. Inexistantes dans les viols conjugaux et rarissimes dans les viols collectifs et les viols commis par des personnes peu connues ou inconnues, elles sont en revanche plus nombreuses dans les viols familiaux (24 %). L’on trouve même une proportion plus importante de victimes de sexe masculin dans les viols commis par des amis de la famille et dans les viols commis par des personnes entretenant une relation de type pédagogique ou éducatif (enseignant, animateur, auxiliaire de vie…) avec de jeunes garçons. Car les victimes de sexe masculin sont en effet quasi exclusivement des enfants ou des adolescents ; l’on ne trouve qu’une proportion très marginale d’hommes adultes. Certes, les fillettes, les adolescentes et les femmes sont sans conteste plus souvent victimes de viols que les garçons ou les hommes, mais l’on peut néanmoins faire l’hypothèse que ces victimes masculines, plus encore que les femmes, taisent ce qui leur est arrivé. L’obstacle tient vraisemblablement à l’atteinte à la masculinité que représente ce type d’agression et au fait que le viol est aujourd’hui encore quasi exclusivement pensé et dénoncé lorsque des filles ou des femmes le subissent (King, Mezey, 2000).

 

Diversité des milieux sociaux et des profils individuels

 

Les enquêtes de victimisation montrent que les violences sexuelles dont l’auteur est connu concernent les différents milieux sociaux dans des proportions équivalentes, ce qui contredit l’hypothèse souvent avancée d’une plus grande fréquence de violences sexuelles exercées par les hommes dans les groupes sociaux les plus défavorisés. En revanche, dans les affaires de viols condamnées par la justice, l'on observe une sur-représentation des auteurs appartenant aux milieux populaires, voire à ses franges les plus précarisées. Cette sur-représentation des milieux populaires n’est pas un constat nouveau en matière judiciaire et ce, quelles que soient les infractions concernées. Inversement, les membres des milieux sociaux favorisés sont sous-représentés parmi les personnes condamnées, au regard de leur poids dans la population. Deux principaux mécanismes peuvent probablement expliquer cette distorsion, que l'on constate aussi dans le domaine de la maltraitance infantile (Flaherty, Sege, 2005). D’un côté, un phénomène de sous-judiciarisation des faits au sein des milieux aisés qui disposent d’une série de filtres pour prévenir la divulgation des faits et, le cas échéant, pour se prémunir face à l’action de la police et de la justice. De l’autre côté, une attention particulière portée aux populations défavorisées par les services médico-sociaux, les institutions éducatives ou les antennes judiciaires conduisant à une plus grande détection des faits illicites commis en leur sein.

 

La littérature des sciences psychologiques sur les auteurs de violences sexuelles montre de son côté qu’il n’y a pas de délinquant sexuel type et que l’abuseur sexuel ne peut être défini sous une unique structure de personnalité, fut-elle pathologique, et son acte être compris comme la traduction symptomatique d’une maladie mentale spécifique (Hamon, 1999), même dans le cas des meurtriers sexuels (Proulx, Cusson, Beauregard, Nicole, 2005). Reste pourtant que le passage à l’acte, chez les abuseurs sexuels, peut être perçu comme la traduction d’un trouble de l’identité, produit par divers manques ou formes de maltraitances. Les expertises rédigées par les psychologues ou les psychiatres dans la recherche sur les viols judiciarisés indiquent que quasiment la moitié des auteurs ont connu des carences éducatives ou psychoaffectives durant leur enfance ou leur adolescence, quatre sur dix ont évolué dans un univers familial marqué par la violence, un tiers ont été placés dans des structures éducatives ou ont fait l’objet d’un suivi par les services sociaux ou judiciaires et un auteur sur cinq avait l’un ou l’autre de ses parents alcoolique. En revanche, la thèse de la reproduction générationnelle des violences sexuelles (l’abuseur sexuel lui-même abusé) fait aujourd’hui encore l’objet d’un questionnement tant les proportions indiquées dans les diverses enquêtes varient grandement (de 15 à plus de 50 %).

 

L’examen des dossiers judiciaires permet enfin de déterminer le profil judiciaire des auteurs de viols condamnés. Généralement, les auteurs de viols familiaux ne sont pas connus de la police ou de la justice antérieurement aux faits, pas même en matière d’infractions sexuelles alors que ce sont pourtant des abuseurs multi-réitérants, mais non dénoncés. À l’inverse, les auteurs peu connus ou inconnus des victimes – par ailleurs souvent situés aux échelons les plus bas de l’échelle sociale – sont au contraire des poly-délinquants. Déjà poursuivis principalement pour des atteintes contre les biens ou des délinquances d’ordre public, quatre sur dix avait également été mis en cause ou condamné pour des délits ou des crimes à caractère sexuel.

 

De même qu’il n’y a pas d’abuseur sexuel type, les victimes de viols ne présentent pas non plus de profils spécifiques – hormis leur (très) jeune âge et leur sexe. Et les enquêtes quantitatives montrent que les personnes ayant subi des viols appartiennent à tous les milieux sociaux. En revanche, dans la mesure où le viol est d’abord une violence entre proches et que des liens préexistent entre les auteurs et les victimes, la proximité qui les lie est très souvent géographique et sociale, mais parfois aussi psychologique. Dès lors – hormis dans les affaires de viols par inconnus où auteurs et victimes sont au contraire très dissemblants –, ce sont plutôt d’assez fortes ressemblances entre les protagonistes qui peuvent être relevées. Dans la recherche sur les viols judiciarisés, la moitié des victimes avaient évolué durant leur enfance ou leur adolescence (ou évoluaient encore pour les mineurs) dans un environnement familial à caractère violent. Et un tiers avait vécu un ou plusieurs événements difficiles, d’ordre psychologique, affectif ou éducatif (troubles psychologiques ou mentaux d’un adulte proche, placement ou suivi, négligences, etc.).

 

Perspectives d'évolution de la réaction sociale

 

Si les viols – comme les autres formes de violences interpersonnelles (Mucchielli, 2008) – sont aujourd’hui de moins en moins tolérés et de plus en plus dénoncés et condamnés par la justice, il n’en reste pas moins que la marge de progression de ce contentieux est énorme car les taux de renvois de ces violences vers les institutions pénales restent encore très faibles. Parmi les femmes qui avaient parlé du viol ou de la tentative de viol qu’elles avaient subi, à peine 10 % dans l’enquête ENVEFF avaient déposé une plainte. Et la proportion était deux fois plus faible dans l’enquête CSF (seulement 4,2 % des femmes et 0,6 % des hommes avaient déclaré les faits). L’édition 2008 de l’enquête de l’INSEE, qui porte sur les violences subies au cours de l’année écoulée, indique quant à elle qu'environ 9 % des victimes ont porté plainte pour des violences sexuelles (viols et agressions sexuelles) hors ménage et la proportion est encore plus basse lorsque ces violences ont été commises au sein du ménage. En clair, aujourd’hui encore, porter plainte en cas de viol demeure une démarche rare. De plus, ce mouvement de judiciarisation n’est pas uniforme. Si les incestes sont de plus en plus divulgués, les viols conjugaux résistent en revanche davantage à la levée du silence, alors que leur fréquence est pourtant élevée. Quant aux victimes de sexe masculin, elles sont encore dans le mutisme et l’enfouissement des faits. La dénonciation des faits n’adopte pas non plus le même rythme et, généralement, plus les auteurs et les victimes sont proches (et en particulier lorsque les victimes sont des enfants), plus les faits tardent à être divulgués. En revanche, les victimes de viols par inconnus, lorsqu’elles déclarent les faits, déposent plainte dans un très court délai. Enfin, la judiciarisation se révèle aussi très inégale selon les milieux sociaux et il apparaît que les viols commis dans des cercles de proximité (en particulier les incestes, viols familiaux élargis et viols conjugaux) demeurent surtout dissimulés dans les classes sociales les plus favorisées.
 
Juin 2011
 
Références
 
  • ALLISON J., WRIGHTSMAN L., 1993, Rape, the misunderstood crime, Sage Publications.
  • BAJOS N., BOZON M., 2008, Les agressions sexuelles en France : résignation, réprobation, révolte, in BAJOS N., BOZON M., (dir.), Enquête sur la sexualité en France, Paris, La Découverte, 381-407.
  • Balier C, 1996, Rapport de recherche sur les auteurs d’agressions sexuelles, Paris, la Documentation française.
  • COCHEZ F., GUITZ I., LEMOUSSU P., 2010, Le traitement judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles, Les numéros juridiques, Actualités Sociales Hebdomadaires.
  • ELLIS L., 1989, Theories of Rape: Inquiries Into the Causes of Rape, Oxford, Taylor & Francis.
  • FLAHERTY E., SEGE R., 2005, « Barriers to physician identification and reporting of child abuse », Pediatric Annals, 34, 349-356.
  • HAMON F., 1999, Délinquance sexuelle et crimes sexuels, Paris, Masson
  • JASPARD M. (dir.), 2003, Les violences envers les femmes en France. Une enquête nationale, Paris, La Documentation Française.
  • KING M., MEZEY G., 2000, Male victims of sexual assault, Oxford, Oxford University Press.
  • LE GOAZIOU V., 2011, Le viol. Sociologie d’un crime, La Documentation française.
  • LE GOAZIOU V.,  MUCCHIELLI L., 2010, « Les viols jugés en cours d’assises : typologie et variations géographiques », Questions pénales, 4, 1-4.
  • LOPEZ G., FILIZZOLA G., Le viol, Paris, Presses Universitaires de France.
  • MUCCHIELLI L., 2005, Le scandale des « tournantes ». Dérive médiatique, contre-enquête sociologique, Paris, La Découverte.
  • MUCCHIELLI L., 2008, « Une société plus violente ? Analyse socio-historique des violences interpersonnelles en France, des années 1970 à nos jours », Déviance et société, 2, 115-147.
  • OMS, 2002, La violence sexuelle, Rapport mondial sur la violence et la santé, Genève, Organisation Mondiale de la Santé.
  • PROULX J., CUSSON M., BEAUREGARD E., NICOLE A., (dir.), 2005, Les meurtriers sexuels: Analyse comparative et nouvelles perspectives, Montréal, Presses de l’Université de Montréal.
  • VIGARELLO G., 1998, Histoire du viol. XVIe-XXIe siècles, Paris, Seuil.
  • WELZER-LANG D., 1988, Le viol au masculin, Paris, L'Harmattan.

 

 

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Violences urbaines

 

L’expression « violence(s) urbaine(s) », aujourd’hui très répandue en France, doit sans doute une partie de son succès à son absence de rigueur, c’est-à-dire son absence de définition. Le mot « violence » est en effet extrêmement général, et l’adjectif « urbaine » n’ajoute rien de plus précis (le contraire serait « violence rurale » ?). En pratique, l’expression semble surtout désigner tout ou partie des formes de désordres, de révoltes et de délinquances que l’on attribue aux « jeunes des cités », autre catégorie aux contours vagues. Les enjeux que signalent l’apparition et la banalisation de cette expression dans le débat public s’éclairent cependant lorsque l’on interroge son origine et que l’on découvre qu’il ne s’agit pas d’une catégorie sociologique mais policière, qui s’est progressivement imposée dans les discours politiques et médiatiques. Il faut donc la déconstruire, avant de revenir à l’analyse des phénomènes qu’elle amalgame.

C’est au début des années 1990 que l’expression « violence(s) urbaine(s) », apparaît dans certains discours policier sur la délinquance juvénile, sur les émeutes et sur les quartiers populaires et leur population parfois majoritairement « issue de l’immigration ». Le déclencheur semble être la série d’émeutes qui surviennent en banlieue lyonnaise en octobre 1990 puis entre mars et juillet 1991 dans la banlieue parisienne [voir l’entrée « Émeutes en France »]. Ces émeutes ont un grand retentissement et provoquent une réelle inquiétude dans le débat public, dans la classe politique et la haute administration (Rey, 1996). Une partie de la hiérarchie policière décide alors apparemment de promouvoir auprès des élus et des journalistes sa propre vision des choses. L’organe clef de cette opération fut le Syndicat des commissaires et des hauts fonctionnaires de la police nationale (SCHFPN), alors en situation de quasi monopole syndical au sommet de la hiérarchie policière. Ses représentants se lancent dans une entreprise de communication inédite, publiant régulièrement des communiqués de presse, donnant de nombreuses interviews, s’exprimant à des colloques, publiant des articles dans des revues « grand public » ou para-universitaires, publiant des ouvrages chez des éditeurs parfois de type universitaire. C’est le cas par exemple du commissaire divisionnaire Bousquet, administrateur du SCHFPN, dans des ouvrages intitulés Insécurité : nouveaux risques. Les quartiers de tous les dangers (1998) et Insécurité : nouveaux enjeux. L’expertise et les propositions policières (1999). La stratégie de ces dirigeants policiers consiste à se poser en « experts » des questions de délinquance, faisant admettre qu’ils sont les mieux placés pour en parler puisqu’ils la côtoient tous les jours, mais faisant du même coup oublier qu’ils sont ainsi juges et parties.

A ce lobbying syndical va s’ajouter une évolution des Renseignements Généraux (RG). D’ordinaire, les policiers en activité s’expriment surtout par le biais de rapports internes. S’agissant des services de renseignement, leur discrétion semblait même une règle de fonctionnement. Or, dans les années 1990, une des figures les plus médiatisées de ce débat sur la « violence urbaine » sera la commissaire Lucienne Bui Trong, responsable de la section « Villes et banlieues », créée en 1991 à la suite des émeutes. Son action vise là encore à défendre le point de vue policier :

une chose me tenait particulièrement à cœur en ce printemps 1991 : je voulais rendre justice aux policiers de terrain ou tout au moins les dédouaner des accusations de discriminations au faciès dont ils étaient trop systématiquement l’objet. Je souhaitais aussi que le ministre de l’Intérieur prenne conscience de ces quelques vérités et comprenne mieux le mécontentement de ses hommes face à certains discours médiatiques ou politiques (Violences urbaines. Des vérités qui dérangent, 2000).

L’on comprend alors la nature de l’outil d’évaluation que ce service des RG mettra au point : l’« échelle d’évaluation de la violence urbaine ». Pour l’essentiel, cette échelle mesure non pas les phénomènes de violences en général (et encore moins l’ensemble des crimes et délits dont la population pourrait être victime), mais principalement les tensions surgissant entre les jeunes et les représentants de l’État et en premier lieu les policiers. Il y a là ce que l’on a appelé un « corpocentrisme » (Mucchielli, 2000) d’autant plus important à identifier comme tel que cette échelle d’évaluation va rapidement constituer l’un des principaux points d’appui de cette « nouvelle expertise policière ». Cette expertise aura en effet un atout de poids : la production de statistiques et l’usage d’arguments d’autorité tirés de chiffres dont on suggère qu’ils « parlent d’eux-mêmes », ce que beaucoup d’hommes politiques et de journalistes auront – ou feindront d’avoir – la naïveté de croire. La prétention à la mesure des « violences urbaines » enfreindra pourtant les règles les plus élémentaires de la statistique en présentant des augmentations de faits recensés annuellement sans indiquer que la définition des faits en question pouvait être élargie (modification de l’unité de compte), ni que la base territoriale où les faits étaient observés s’accroissait au fil des ans (modification de la population d’enquête).

Sur le fond, l’ensemble de ces auteurs dresse un tableau alarmant de la délinquance. Ces quartiers produiraient une jeunesse désocialisée, déscolarisée, pourvue de parents « démissionnaires », se retrouvant de fait sans repères moraux et sociaux ; ces jeunes seraient massivement toxicomanes et, pour consommer comme pour s’enrichir, ils deviendraient fatalement de jeunes trafiquants de drogue qui ne tarderaient pas à former des bandes délinquantes et armées, organisant toute une économie souterraine dans leur cités et terrorisant les territoires environnants. C'est ainsi que les incendies de voitures ne serviraient qu'à faire disparaître les voitures volées, tandis que les émeutes ne seraient en rien l’expression d’un sentiment d’injustice mais bien plutôt un moyen de tenir à distance la police pour mieux protéger ces trafics. Et, dans cette organisation délinquante, les plus âgés initieraient les plus jeunes. Ainsi se mettrait progressivement en place un véritable « système mafieux », organisé autour de quelques « familles délinquantes » contrôlant tout un quartier et utilisant les jeunes pour se protéger de la police. Et il ne s’agirait pas de n’importe quelles familles, mais des maghrébines. Le commissaire Bousquet en donnera cette explication :

jugé peu dangereux par la tradition et la culture de populations d’origine maghrébine, légitimé par son impact économique positif, le trafic de haschisch structure les emplois du temps et soutient la capacité de consommation du quartier. Facteur de paix sociale, il maintient sur le quartier le voile du silence mafieux.

Arriveront ensuite l’Islam et le risque terroriste, le cas de Khaled Kelkal et des attentats de 1995 faisant figure de signe annonciateur de l’avenir. Face à ces « nouvelles menaces », que les pouvoirs publics n’auraient pas prises au sérieux, face ainsi à « la dérive suicidaire de notre société » (commissaire divisionnaire Ventre, secrétaire général du SCHFPN) la police apparaît alors comme le dernier rempart.

En résumé, cette nouvelle expertise policière invite 1/ à accréditer l’idée d’un engrenage fatal dans la délinquance, 2/ à évacuer toute dimension politique du comportement agressif des jeunes envers les institutions, 3/ à écarter l’hypothèse d’une coresponsabilité policière dans la tension permanente qui anime certains quartiers ainsi que dans le déclenchement des émeutes, 4/ à défendre une conception uniquement répressive du métier de policier.

Pour autant, dans ses structures d’argumentation, dans ses présupposés et dans la vision du monde qu’il véhicule, ce discours policier sur les « violences urbaines » n’est guère original. D. Monjardet (1996) a prévenu que

dans l’exercice délicat qui consiste à affirmer du même mouvement sa propre excellence, la gravité toujours croissante du problème dont on s’occupe, et la nécessité de lui accorder toujours plus de ressources, le corps policier trouve un principe à la fois de dramatisation permanente et de revendications incessantes.

Ce sociologue de la police a montré aussi que le discours policier est classiquement dominé par deux éléments :

1/ la dénonciation de « la dissolution du principe d’autorité dans la société dont il est le contemporain, et les pratiques de renvoi de la responsabilité de toute une série de difficultés de sa pratique quotidienne aux autres institutions, qui n’assureraient plus la transmission et le respect de l’autorité, comme la famille, l’école et la justice » ; 2/ « les difficultés endémiques entre la police et les groupes sociaux qui, pour des raisons structurelles, se plient moins facilement que d’autres à cette imposition d’autorité : les jeunes et les minorités ethniques.

Cette mise en scène dramatisée de la « dérive mafieuse » des « cités interdites » et autres « zones de non droit » connaîtra pourtant un réel succès. En particulier lorsque la « gauche plurielle » de retour au pouvoir en 1997 reprendra à son compte l’expression « violence(s) urbaine(s) » en cherchant à dépolitiser le thème de la sécurité, ce qui aura plutôt pour effet de libérer les discours catastrophistes des risques d’étiquetage idéologique et de protestation des organisations antiracistes (Bonelli, 2008). De surcroît, utilisant massivement ce discours policier et s’associant parfois à ses représentants, d’autres nouveaux « experts », liés au développement du marché privé du diagnostic de sécurité, se sont alors propulsés aux devants de la scène publique, avec d’efficaces stratégies de communication en direction des médias. L’analyse de l’usage de l’expression « violence urbaine » dans les dépêches de l’AFP et les titres des quotidiens nationaux révèle ainsi une envolée en 1998 (Macé, 2002). Les campagnes électorales de 2001 et 2002 viendront enfin consacrer politiquement des discours qui n’ont du reste pas disparu par la suite. Ils sont au contraire recyclés périodiquement dans des sociétés occidentales où la peur de l’avenir et le sentiment d’insécurité constituent de puissantes armes électorales (Mucchielli, 2008).

Reste que, si la notion de « violence(s) urbaine(s) » doit être écartée de l’analyse sociologique, les phénomènes qu’elle amalgame n’en font pas moins partie de la réalité. S’imposent donc, en retour, d’autres catégories d’analyse et outils d’interprétation.

Au terme d’une typologie qui accorde généralement les praticiens comme les chercheurs (Le Goaziou, Mucchielli, 2009), on peut distinguer trois types de délinquance juvénile. Le premier, dit « initiatique », concerne non pas une minorité mais la majorité des adolescents qui, un jour ou l’autre, font l’expérience de la transgression (fraude, vol, bagarre, consommation de cannabis, conduites à risque), le plus souvent dans l’émulation d’un petit groupe de pairs. Les enquêtes de délinquance auto-déclarée révèlent cette banalité de l’expérience déviante à l’adolescence et n’y associent aucun facteur psychosocial discriminant. A l’opposé, le second type, dit « pathologique », rend compte du fait qu’une toute petite minorité d’adolescents a des comportements déviants et agressifs, qui se manifestent souvent depuis l’enfance, en liaison avec des problématiques familiales lourdes. Enfin, le troisième type, dit « d’exclusion », désigne ceux des adolescents qui, après les éventuelles initiations, persistent dans des pratiques délinquantes et restructurent leur identité autour du rôle délinquant, parfois dans le cadre de « bandes » plus ou moins structurées (Mohammed, 2007). Ceux-là font une carrière plus ou moins longue dans la délinquance et sont bien connus du système pénal. Les facteurs sociaux les distinguant le plus des autres types sont le fait d’avoir grandi dans un quartier pauvre et l’échec scolaire.

Cette typologie permettait déjà de décrire largement la délinquance juvénile dans les années 1960 et aucun type n’est spécifique aux quartiers en voie de ghettoïsation. Cependant, la concentration des handicaps socio-économiques des familles, le niveau très élevé de l’échec scolaire, la violence réciproque des relations quotidiennes des jeunes avec la police, le poids du stigmate lié aux « origines » et enfin les opportunités liées à la présence de trafic de cannabis, constituent de puissants accélérateurs de délinquance. Au point que l’on finit par croire spécifique à ces quartiers ce qui n’y est que plus fréquent et peut-être davantage réprimé.

Enfin, la notion de « violence(s) urbaine(s) » vise aussi à imposer une lecture des émeutes en simples termes de délinquance, ce que démentent les recherches sociologiques [voir entrée « Émeutes en France »]. Si la reformation de « ghettos urbains » (Lapeyronnie, 2008) et la violence de l’expérience des discriminations a notamment pour effet de générer de la défiance et parfois de l’agressivité envers les institutions et tous ceux qui les représentent, les émeutes cristallisent un profond malaise social et fédèrent les habitants de ces quartiers bien au-delà des petits groupes délinquants. Elles surviennent de surcroît le plus souvent en réaction à des violences policières.

Septembre 2010

 

Références

  • Bonelli L., 2008, La France a peur. Une histoire sociale de l’insécurité, Paris, La Découverte.
  • Lapeyronnie D., 2008, Ghetto urbain. Ségrégation, violence, pauvreté en France aujourd’hui, Paris, Robert Laffont.
  • Le Goaziou V., Mucchielli L., 2009, La violence des jeunes en question, Nîmes, Champ social.
  • Macé E., 2002, Le traitement médiatique de la sécurité, in Mucchielli L., Robert Ph., dir., Crime et sécurité : l’état des savoirs, Paris, La Découverte, 2002.
  • Mohammed M., 2007, La formation des bandes de jeunes, Thèse de doctorat de sociologie, Université Versailles Saint-Quentin.
  • Mucchielli L., 2000, L’expertise policière de la « violence urbaine ». Sa construction intellectuelle et ses usages dans le débat public français, Déviance et société, n°4.
  • Mucchielli L., dir., 2008, La frénésie sécuritaire. Retour à l’ordre et nouveau contrôle social, Paris, La Découverte.
  • Monjardet D., 1996, Ce que fait la police. Sociologie de la force publique, Paris, La Découverte.
  • Rey A., 1996, La peur des banlieues, Paris, Presses de Sciences-Po.
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Émeutes en France

 

Le mot Émeute provient du verbe Émouvoir. Du haut Moyen Age à la Renaissance, une Esmote désigne une émotion collective prenant la forme d’un soulèvement populaire spontané. « Tumulte séditieux, soulèvement dans le peuple », indique le Dictionnaire de l’Académie française au milieu du 18ème siècle. Et le sens ne variera jamais.

Les émeutes françaises contemporaines ont lieu dans les quartiers populaires d’habitat collectif frappés par la désindustrialisation et le chômage, habités massivement par des familles d’ouvriers et d’employés dont beaucoup proviennent des grands flux migratoires des années 1950-1970 (Portugais, Maghrébins puis Noirs Africains) qui s’y sont installées avec la résorption des bidonvilles puis la politique du regroupement familial. Elles surviennent généralement à la suite de la mort d’un ou plusieurs jeunes du quartier concerné, le plus souvent en relations (diverses) avec une opération de police. Elles sont l’œuvre de garçons, grands adolescents et jeunes majeurs, souvent chômeurs ou inactifs, parfois ouvriers précaires ou apprentis, ou encore scolarisés dans les filières professionnelles les moins valorisées ; la plupart sont « issus de l’immigration » ; ils ne sont structurés par aucune organisation politique et n’affichent en apparence aucune revendication. Leur « répertoire d’action collective » (C. Tilly) réside principalement dans l’incendie de véhicules et l’affrontement avec les forces de l’ordre. Dans certains cas, les incendies visent aussi des bâtiments et certains magasins peuvent être pillés.

 

L’émergence

 Le phénomène est apparu dans la seconde moitié des années 1970, dans certains quartiers pauvres de l’agglomération lyonnaise. Avec la médiatisation des événements du quartier des Minguettes à Vénissieux en juillet 1981, le phénomène apparaît aussi en région parisienne. L’émeute se fixe donc au tournant des années 1970 et 1980. Analysant cette époque, C. Bachmann et N. Leguennec (1996) écrivent : « Contre qui se battent les émeutiers ? Contre un ennemi sans visage. Contre ceux qui les nient quotidiennement, les condamnent à l’inexistence sociale et leur réservent un avenir en forme d’impasse. […] Aucun allié, aucune issue. L’univers symbolique des banlieues donne à lire un partage manichéen : les pauvres tristes et humiliés contre les riches puissants et enviés. […] S’il est une revendication qui s’affirme haut et clair, c’est bien celle d’une sensibilité à vif : obtenir un minimum de considération, bénéficier d’une reconnaissance, conquérir le respect. Ces deux sentiments forts, la sensation de l’impasse et la conscience du mépris, sont toujours à la racine des fureurs banlieusardes ».

Durant les années 1980, plusieurs phénomènes se conjuguent pour chasser l’émeute de la scène publique. D’abord la réaction du gouvernement (socialiste) de l’époque. Outre les opérations de prévention lancées l’été suivant, qui envoient plus de 100 000 jeunes des quartiers les plus « sensibles » en vacances ou bien les occupent sur place, plusieurs politiques publiques sont initiées en direction de l’insertion professionnelle, de l’école, de la prévention de la délinquance et de l’aménagement urbain. Le gouvernement a aussi libéré les ondes radiophoniques et ouvert aux étrangers la liberté d’association. Ensuite, un événement politique va ouvrir une perspective de reconnaissance symbolique pour ces jeunes « issus de l’immigration », au moment même où le racisme qu’ils dénoncent est comme consacré officiellement par l’émergence de l’extrême droite (le Front national) sur la scène électorale. Dans le même quartier des Minguettes, suite à une « bavure policière » qui menace de déclencher de nouveau l’émeute, des jeunes, fortement soutenus et conseillés par un prêtre, initient une nouvelle forme d’action collective : une grande marche non violente à travers la France. Cette « Marche des Beurs » connaîtra en 1983 un succès politico-médiatique important et suscitera une intense activité associative et politique encouragée en particulier par le Parti socialiste, qui suscite et contrôle la création de SOS Racisme.

 

L’enracinement

À l’enthousiasme de la première moitié des années 1980 va cependant succéder la désillusion. Tout d’abord, les politiques publiques initiées semblent impuissantes face à la montée du chômage de masse : de presque 500 000 chômeurs en 1974, on est passé à 2,5 millions en 1985. Dans les quartiers désindustrialisés, le taux de chômage des jeunes peu ou pas diplômés atteint 30% en 1990. Ensuite, sur le plan politique, le « mouvement Beur » n’a pas réussi à se structurer. Le besoin insatisfait de reconnaissance et de participation se mue alors en repli sur soi et en affirmation de sa différence hors du champ politique. La culture Hip-hop connaît un succès grandissant auprès de la jeunesse des quartiers, dont une partie opère progressivement un retour vers le religieux qui fait rapidement l’objet d’une désapprobation dans un pays structuré par une culture républicaine farouchement laïque. En 1989, éclate « l’affaire du foulard islamique » qui cristallise une nouvelle peur de l’Islam et isole politiquement encore davantage les descendants des immigrés Maghrébins désormais suspectés de « communautarisme ». La parenthèse du début des années 1980 est terminée. La violence émeutière va revenir en force et s’installer durablement dans la société française.

En l’espace de huit mois (d’octobre 1990 à mai 1991), une série d’émeutes éclatent, à Vaulx-en-Velin, Argenteuil, Sartrouville et Mantes-la-Jolie, et retentissent fortement dans le débat public. En comparaison avec l’été 1981, les rapports entre jeunesse des quartiers et police urbaine ont monté d’un cran dans la violence et l’émeute s’est aussi accompagnée de pillages et de dégradations importantes. Le « rodéo » semble désormais un euphémisme, le mot « émeute » s’impose dans le débat public et la comparaison avec l’Angleterre voire les États-Unis devient courante. Les syndicats de police font pression sur les pouvoirs publics et les médias, ils popularisent l’expression de « violence urbaine » [voir l’entrée dans ce dictionnaire] pour désigner un ensemble d’actes délinquants dont l’émeute ne serait qu’une forme, ils cherchent à accréditer l’idée de quartiers devenus des « zones de non droit » contrôlées par des trafiquants de drogues. Dans le champ politique, l’incompréhension voire la réprobation est d’autant plus grande que beaucoup de ces villes ont fait l’objet de politiques sociales et éducatives, mais sans avoir recherché davantage de participation et de démocratie locale, laissant donc aux habitants le sentiment que les choses se font sans eux. Le gouvernement, de nouveau socialiste, réagit en créant le ministère de la Ville et en faisant voter en 1991 une loi d’orientation sur ce qui s’appellera désormais « la politique de la ville » et ses « quartiers prioritaires ». Mais il renforce aussi le contrôle policier de ces territoires en créant une section des Renseignements généraux destinée à les observer et une nouvelle unité de choc de la police urbaine : les Brigades anti-criminalité (BAC). Par delà les alternances politiques, ces deux types de politiques publiques (ville et sécurité) guideront l’action des gouvernements jusqu’à nos jours, sans parvenir à renverser la donne. Depuis 1990, des émeutes locales ont éclaté quasiment chaque année.

 

La généralisation

 Enfin, entre le 27 octobre et le 17 novembre 2005, l’émeute perd son caractère localisé pour s’étendre à l’ensemble du territoire national. Pour la première fois, une émeute se déroulant dans un quartier d’une ville a des répercussions à des centaines de kilomètres, elle suscite un processus d’identification collective. Et dans la mesure où les télévisions montrent des voitures en feu depuis 25 ans, ce processus ne saurait s’expliquer par sa médiatisation. Durant trois semaines, des incidents – de gravité très diverse – surviennent dans près de 300 communes, occasionnant 10 000 incendies de véhicules particuliers et plusieurs centaines d’incendies ou de dégradations à l’encontre de bâtiments publics, notamment scolaires. La répression est lourde. La panique est telle au sommet de l’État que le Premier ministre décide de recourir au couvre-feu. Le 8 novembre, est décrété l’état d’urgence, en application d’une loi du 3 avril 1955, prise au temps de la Guerre d’Algérie.

Comment expliquer ce phénomène ? Les émeutiers interviewés dans la région parisienne donnent deux séries de raisons à leur colère (Mucchielli, Le Goaziou, 2007). Les premières sont relatives aux événements de Clichy-sous-Bois et à l’attitude des pouvoirs publics. C’est ce qui est considéré comme un déni et un mensonge de la part des autorités qui fonde l’indignation et donc le sentiment de légitimité morale de la colère émeutière. Les secondes raisons évoquent non pas le contexte de l’émeute mais certaines dimensions de l’expérience de vie quotidienne de ces jeunes, qui nourrit en profondeur « la rage » et « la haine ». Cette expérience révèle d’abord un vécu d’humiliations multiples accumulées. Viennent d’abord les souvenirs les plus forts. Certains racontent des expériences de discriminations à l’embauche, voire font du racisme une explication généralisée. La plupart font remonter leur sentiment d’injustice et d’humiliation à l’école. Enfin, tous disent que la source quotidienne de leur sentiment d’injustice et d’humiliation est leur relation avec la police, avec moult récits. Ensuite, en orientant l’analyse vers leurs conditions de vie générale, il apparaît que cette expérience est liée à l’absence de perspective d’intégration sociale, et d’abord au chômage dont le niveau n’a cessé d’augmenter durant les années 1990, creusant les écarts en fonction des niveaux de diplôme, maximisant les frustrations économiques et sociales des moins diplômés et accroissant le caractère durablement discriminatoire des parcours scolaires. Cette non insertion économique pèse sur l’ensemble du processus d’intégration sociale et d’entrée dans la vie adulte. Derrière l’absence d’emploi et donc de revenu, se profile en effet l’impossibilité matérielle du départ du domicile des parents pour accéder à un logement personnel ainsi que la difficulté objective à envisager une union conjugale et un projet familial. C’est l’ensemble de ce parcours conçu et attendu comme « normal » par tout jeune qui se trouve au mieux durablement contrarié, au pire perçu comme inaccessible. En d’autres termes, la non insertion économique n’est pas seulement une « galère » au quotidien, elle a des conséquences sur toute la perception de l’avenir et la vision du monde que se construisent les aînés ainsi que les cadets qui les observent. Enfin, elle a des répercussions au sein même des familles, sur les relations entre les générations. Dans cette colère vengeresse des jeunes durant les émeutes, que leurs parents et leurs grands frères disent souvent désapprouver sur la forme mais comprendre sur le fond, l’on peut lire ainsi une dimension plus collective encore.

 

L’émeute comme forme élémentaire de la protestation

 Malgré cela, la violence n’est pas et n’a jamais été le seul langage pratiqué par cette jeunesse, pour peu qu’elle rencontre le soutien voire la collaboration d’autres forces sociales ou politiques. C’est dans les mêmes quartiers de la banlieue lyonnaise où s’inventèrent les émeutes à la fin des années 1970, que se développèrent des grèves de la faim et d’autres tentatives de mobilisations politiques des travailleurs immigrés (contre des agressions racistes, contre des violences policières, contre des expulsions, pour réclamer l’égalité des droits dans l’entreprise ou le droit de vote local), soutenues par les Églises et des associations militantes de gauche. C’est du même quartier émeutier des Minguettes qu’est parti le « Mouvement Beur » de 1982-83. Ceci révèle la nature « interpellative » de l’émeute, le besoin de reconnaissance qu’elle porte. Les émeutiers ne réclament aucune révolution, ils ne contestent pas le système social et politique, ils en dénoncent l’hypocrisie et les constantes humiliations ou « violences symboliques » (P. Bourdieu). Les protestations collectives ne traduisent pas seulement des conflits d’intérêts, elles portent aussi des attentes morales, des sentiments d’honneur collectif bafoué, de mépris et de déni de reconnaissance (A. Honneth). Contrairement à une peur croissante dans la société française, les émeutes contemporaines ne s’articulent pas sur un communautarisme ni sur une revendication d’autonomie par rapport aux règles démocratiques régissant la société globale. Les jeunes « issus de l’immigration », émeutiers comme non émeutiers, réclament non pas la possibilité de vivre selon des règles générales différentes de celles qui régissent la vie de la communauté nationale, mais le droit de participer pleinement à cette vie et à ces règles tout en étant reconnus et respectés dans leurs spécificités relatives.

Ainsi, l’émeute témoigne en creux de l’absence d’autres possibilités de contestation et pose in fine la question des médiations et de la représentation politiques. Par là, elle révèle le déficit de ces deux dimensions de l’intégration dans le système politique français. Déficit des médiations politiques entendues comme l’ensemble des interventions destinées à permettre un dialogue au besoin conflictuel entre les habitants de ces « zones urbaines sensibles » et les décideurs politiques ou administratifs. Les trois dernières décennies ont enregistré le déclin historique des formes d’encadrement et de politisation liées aux partis politiques, aux syndicats ainsi qu’aux mouvements de jeunesse et aux mouvements d’éducation populaire laïques ou religieux. Ceci n’empêche pas le secteur associatif d’être parfois dynamique, notamment à travers la politique de la ville, mais ces associations et les élites intermédiaires locales qu’elles pourraient faire émerger sont le plus souvent, soit maintenues en marge du jeu politique proprement dit, soit instrumentalisées dans le clientélisme municipal et dans un système d’« achat de la paix sociale ». Double déficit, ensuite, de demande et d’offre politiques. Outre que le droit de vote des étrangers non européens aux élections locales n’a jamais été décidé, l’échec du « mouvement Beur » des années 1980 puis la stigmatisation croissante des « arabo-musulmans » dans le débat politico-médiatique a éloigné cet électorat de la gauche dont il était le plus proche, puis l’a éloigné du vote tout court. Du côté de l’offre politique, le déficit d’intégration de représentants de ces populations dans les sections locales des partis et dans les équipes municipales au pouvoir est patent. Enfin, comme les réactions de la classe politique aux émeutes de 2005 l’ont montré, aucun parti ne se pose en défenseur des habitants des quartiers populaires. Le constat est massif du côté du Parti socialiste qui domine l’échiquier politique à gauche depuis vingt-cinq ans mais dont les militants comme les électeurs se sont progressivement coupés des milieux populaires. Mais il vaut également dans une large mesure pour les anciennes « banlieues rouges », ces villes ouvrières contrôlées politiquement durant des décennies par le Parti communiste. Il vaut enfin pour l’extrême gauche. De sorte que les électeurs Français « issus de l’immigration » ne trouvent nulle part sur l’échiquier politique le moyen de promouvoir leurs revendications ni même d’exprimer un équivalent du « vote protestataire » en faveur de l’extrême droite d’une partie des ouvriers « Français d’origine française ».

Septembre 2010

 

Références

Bachmann C. & Leguennec N., Violences urbaines, Albin Michel, Paris, 1996.

Beaud S. & Pialoux M., Violences urbaines, violence sociale, Paris, Fayard, 2003.

Kokoreff M., Sociologie des émeutes, Paris, Payot, 2008.

Lagrange H. & Oberti M., dir., Émeutes urbaines et protestations. Une singularité française, Paris, Les Presses de Sciences-Po, 2006.

Lapeyronnie D., « ‘Révolte primitive’ dans les banlieues françaises », Déviance et société, 4, 2006.

Lapeyronnie D., Ghetto urbain. Ségrégation, violence, pauvreté en France aujourd’hui, Paris, Robert Laffont, 2008.

Mohammed M., « Les voies de la colère: ‘violences urbaines’ ou révolte d’ordre politique ? L’exemple des Hautes-Noues à Villiers-sur-Marne », Socio-logos, 2, 2007 [En ligne], URL : http://socio-logos.revues.org/document352.html

Mucchielli L. & Le Goaziou V., dir., Quand les banlieues brûlent. Retour sur les émeutes de novembre 2005, Paris, La Découverte, 2ème éd, 2007. 

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Drogues et crimes

Auteur: 
Brochu, Serge

 

Les substances psychoactives constituent des produits très couramment associés à la perpétration de divers crimes. Bien que les liens drogues-crimes (incluant l’alcool) soient complexes et variables en fonction des personnes et de leur trajectoire de vie, leur compréhension doit nécessairement tenir compte de quatre éléments centraux : 1) l’intoxication de l’infracteur et ses attentes quant aux effets psychopharmacologiques des drogues consommées; 2) son niveau de dépendance à un ou plusieurs produits psychoactifs et les coûts imputables à cette dépendance; 3) son style de vie; et 4) la répression et le système de distribution illicite des drogues. 

1) L’intoxication de l’infracteur et ses attentes quant aux effets des drogues

L’intoxication, due à un usage de substances psychoactives, altère le fonctionnement du consommateur en affectant ses perceptions, son humeur, sa conscience et les comportements qui en découlent (Ben Amar, 2007). Selon les principaux effets qu’elles procurent, les drogues licites et illicites se classent généralement en trois grandes catégories : les dépresseurs, les stimulants et les perturbateurs.

Certains dépresseurs (alcool, opiacés, substances volatiles, anxiolytiques, sédatifs, hypnotiques…), surtout l’alcool, auraient des effets désinhibiteurs. Les barrières naturelles introjectées au fil de l’enfance se dissoudraient dans l’alcool laissant ainsi libre cours à l’expression de certaines pulsions, dont les penchants violents de certains d’entre nous (Brochu, 2005). Par ailleurs, durant les périodes d’intoxication, le répertoire de réponses habituelles face à un stresseur se rétrécit au profit de réponses dites primaires, favorisant alors les répliques physiques plutôt que les réparties intellectuelles. Enfin, pour ceux qui en développent une dépendance, le sevrage d’un dépresseur constitue une expérience pénible dans laquelle se retrouvent de l’irritabilité, de l’agitation, une diminution de l’attention et de la concentration, de la confusion et parfois même de l’hypersensibilité à la lumière, aux sons et à la douleur ainsi que des hallucinations (Ben Amar, 2007). Dans certains cas, ces symptômes de sevrage peuvent être associés à des manifestations de violence de la part de la personne qui les ressent.

La deuxième catégorie de substances psychoactives la plus consommée en Amérique du nord est celle des stimulants (cocaïne, amphétamines…) du système nerveux central. Ces drogues produisent généralement une sorte d’euphorie fébrile  (Léonard et Ben Amar, 2000). Leurs effets initialement recherchés deviennent toutefois préjudiciables lorsque la sensibilité se transforme en hyper vigilance et que la réactivité extrême face aux stimuli de l'environnement provoque l'agacement, l'impatience et l’irritabilité (Brochu, 2005). Pour les consommateurs qui en font des usages brutaux (injection, «freebase» ou crack pour la cocaïne), les stimulants activeraient des idées paranoïdes (Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments, 2002). Confronté à des idées paranoïdes, deux réactions s’imposent : la fuite ou l’attaque. Les stimulants, et plus particulièrement la cocaïne, ont toutefois pour effet d’induire, chez un grand nombre d’usagers, un sentiment de toute puissance favorisant l’affrontement. Enfin, notons que la violence peut également découler de l’irritabilité produite par le « crash » qui se produit à la fin de la période d’intoxication (Brochu, 2005).

Les perturbateurs (cannabis, LSD, PCP, champignons magiques…) forment une troisième catégorie de substances psychoactives. Tel que leur nom l’indique, ces produits induisent des distorsions cognitives et comportementales; dans les cas les plus graves, ils engendrent des hallucinations et du délire (Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments, 2002). Les hallucinogènes sont souvent consommés dans le dessein d’atteindre des états similaires aux expériences transcendantales. Ils sont rarement associés à la criminalité ou à la violence, mais leur consommation peut déclencher une psychopathologie latente ou exacerber des problèmes mentaux graves déjà présents chez l’usager, favorisant ainsi le recours à la violence  (Brochu, 2005).

Néanmoins, les effets des substances pouvant entraîner des comportements criminels sont, en grande partie, filtrés par les attentes et les attitudes du consommateur. Les attentes se forment avec les observations glanées ici et là au fil du temps et suite aux propres expériences de consommation. Ainsi, l’usager apprendra que telle substance l’apaise et qu’une autre lui permet d’affronter des situations difficiles. Il pourra alors utiliser certaines drogues à des fins instrumentales en fonction de ses attentes personnelles. Par exemple, des contrevenants feront usage de drogues afin de faciliter une opération criminelle déjà planifiée (Brochu et Parent, 2005; Brunelle, 2001). Cela dit, l’attribution de la violence d’un individu à son intoxication ou même  à ses attentes requiert une certaine prudence, puisqu’une personne aux penchants agressifs présentera plus de risques de manifester des comportements violents, qu’elle soit intoxiquée ou non (Brochu, 2005).

2) Le niveau de dépendance et les coûts qui y sont associés

Les substances psychoactives illicites sont généralement peu coûteuses. Un usager occasionnel de cannabis ne dépensera pas beaucoup plus pour son produit qu’un usager d’alcool. L’usager récréatif de cocaïne qui se limite à une consommation équivalente à un quart de gramme à l’occasion ne grèvera pas son budget pour autant.  De plus, le prix des drogues est généralement demeuré stable au cours des 20 dernières années. Un travailleur qui consomme occasionnellement des drogues pourra aisément intégrer cette dépense dans son budget mensuel.

La situation s’avère fort différente pour les personnes qui ont développé une dépendance. Pour elles, les drogues coûtent très cher ! L’implication criminelle de certains usagers n’arrivant plus à bien gérer leur consommation devenue quotidienne est donc, dans bien des cas, attribuée au besoin d'argent engendré par la dépendance envers des drogues dispendieuses.

De façon générale, ces personnes s’impliquent dans une criminalité lucrative qui se trouve à leur portée. Quoi de mieux pour les consommateurs réguliers que de s’immiscer dans un petit réseau de revente de drogues? En effet, beaucoup d’entre eux s'engagent dans un petit trafic auprès d’amis ou de connaissances, l’élargissant parfois même aux étrangers. D’autres s’orienteront vers les vols ou une criminalité plus diversifiée, mais un élément demeure présent dans le comportement criminel de toutes ces personnes: la recherche d’argent visant à satisfaire une consommation devenue incontrôlable (Brochu et Parent, 2006).

Toutefois, l’ensemble de la criminalité des personnes dépendantes ne peut pas être attribuée uniquement à leur assuétude, puisqu’un bon nombre de toxicomanes étaient déjà bien impliqués dans la criminalité avant même que les premiers symptômes de dépendance se manifestent (Brochu, 2005; Pernanen, Cousineau, Brochu et Sun, 2002).

Par ailleurs, outre la possession de drogues destinée à leur consommation personnelle, plusieurs individus dépendants ne manifesteront jamais de comportements criminels. Alors que certains d’entre eux s’appuieront sur des revenus suffisants pour soutenir leur consommation, d’autres trouveront les moyens pour réduire leur usage, utiliseront des produits de substitution moins coûteux ou arrêteront complètement de consommer le temps de se refaire.

3) Un style de vie

Tous les consommateurs de substances psychoactives n’en font pas un usage abusif au point de s’intoxiquer ou de développer une dépendance, dans le même sens que toutes les personnes intoxiquées ou dépendantes d’une drogue ne basculent pas dans la criminalité. Les deux formes de liens drogues-crimes présentées aux points précédents, c’est-à-dire les crimes commis sous intoxication et dans le but de se procurer une drogue pour satisfaire leur dépendance, bien que procurant un portrait adéquat de la situation des usagers abusifs de substances psychoactives, ne suffisent pas à bien comprendre leur réalité.

La consommation de substances psychoactives constitue un comportement complexe qui s’appuie sur une multitude de facteurs et qui s’allie à une manière de vivre, un style de vie  (Brochu, 2005). Or, la substance consommée n’en constitue pas l'élément essentiel. Bien sûr le style de vie des consommateurs réguliers se forge autour de la prise de drogue, mais également en fonction des antagonismes complexes issus des milieux sociaux (plus ou moins accommodants) extérieurs à la drogue. En effet, dans plusieurs milieux, les drogues et leurs adeptes sont symboliquement associés à de nombreuses caractéristiques négatives (immoralité, débauche, déchéance…), plaçant les consommateurs en marge de la société (Brochu et Parent, 2006). Dans ce contexte de marginalité et de déviance, le style de vie emprunté par plusieurs usagers réguliers de substances psychoactives s’ouvre sur un système de vie alternatif, une orientation en regard de l’interdit, une valorisation de certains comportements, un milieu d’identification, tout en permettant l’accession à des formes de plaisir et de sensation souhaitées. Se tisse alors un ensemble de liens complexes qui  s’influencent mutuellement. Ce style de vie favorise en quelque sorte une prise de risques accentuée, voire parfois violente, lors des moments d’intoxication et incite à l’utilisation de comportements franchement criminels lors des périodes de dépendance.

Ainsi, la drogue devient à la fois opportunité, prétexte, raison, condition et conséquence de la criminalité s’insérant à l’intérieur d’une façon d’être et de se comporter qui est graduellement acquise et nuancée au cours du parcours de l’usager (Brochu et Parent, 2006).

4) Le système de distribution et d’approvisionnement des drogues illicites

Afin de réprimer la distribution illicite de certaines drogues et son approvisionnement, la très grande majorité des pays a paraphé la Convention unique sur les stupéfiants (1961, modifiée en 1972) et la Convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (1988). Ces conventions ont pour objectif de circonscrire par la criminalisation la culture, la production, le trafic, la distribution, de même que la possession ou la consommation de certaines drogues, à l’exception de celles qui sont régulièrement utilisées à des fins médicales ou de recherche, des médicaments prescrits, de l’alcool, du tabac et du café. Sans vraiment apporter une solution pérenne à la circulation et à la consommation des substances illicites, ces conventions ont plutôt engendré de nouvelles catégories de criminels: les usagers et leurs pourvoyeurs qui, dans plusieurs pays, forment une grande partie des affaires occupant le travail policier (Brochu, 2006).

Ces conventions ont, en quelque sorte, ‘forcé’ la mise en place d’un système de distribution et d’approvisionnement illicite des drogues. Ce système favorise à son tour la criminalité de deux principales façons. Primo, le caractère illicite des milieux où se commercent les drogues permet au consommateur d’entrer en contact avec des personnes bien impliquées dans diverses activités criminelles et donc, éventuellement, de se rapprocher de délinquants expérimentés. Secundo, cet environnement appelant de nombreux conflits de territoire entre trafiquants rivaux, les intimidations et la violence y sont omniprésents (Brochu et Parent, 2006).

En somme…

La criminalité reliée à la drogue est d’abord attribuable aux propriétés même des substances consommées : ses propriétés intoxicantes et le développement d’une dépendance pour certains usagers réguliers. Par contre, tous les consommateurs qui vivent l’expérience des drogues, même sous intoxication ou sous l’emprise de la dépendance, ne commettent pas nécessairement des crimes. Le style de vie emprunté constitue un médiateur puissant qui favorise/empêche le recours à la commission de délits. À ceci s’ajoutent deux types de criminalité qui n’ont rien à voir avec les propriétés des drogues. Il s’agit des crimes définis par les lois sur les drogues et de ceux favorisés par les milieux illicites dans lesquels se transige tout produit illégal.

Février 2010

Références

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Développement de l'agressivité physique depuis la jeune enfance jusqu'à l'âge adulte

Auteur: 
Tremblay, Richard

Introduction: Les croyances traditionnelles

  1. La violence physique chez les adolescents et les jeunes adultes suscite de vives préoccupations dans toutes les sociétés modernes. En effet, le risque d'être arrêté et trouvé coupable d'un acte criminel est plus élevé à la fin de l'adolescence et au début de l'âge adulte qu'à tout autre moment de la vie. Au cours des 40 dernières années, des centaines d'études ont tenté de mieux comprendre comment des enfants enjoués deviennent de jeunes délinquants violents. La liste des facteurs associés à la délinquance juvénile violente comprend la surveillance inadéquate des enfants de la part des parents, la dislocation de la famille, l'influence négative des pairs et la pauvreté (McCord et al., 2001; Lipsey et Derzon, 1998).
  2. La majorité des personnes arrêtées pour crime violent sont de sexe masculin.
  3. L’explication principale des comportements violents a longtemps été la suivante : « les comportements agressifs et violents sont des réponses apprises par la frustration, ils peuvent aussi être appris en tant qu’instruments destinés à atteindre des buts, et l’apprentissage se produit en observant des modèles de ce type de comportement. Ces modèles peuvent être observés dans la famille, chez les pairs, ailleurs dans le quartier, dans les médias de masse, ou dans la pornographie violente » (Reiss et Roth, 1993).

Le problème des croyances traditionnelles

Si l'agressivité physique est apprise en observant les modèles au sein des familles, dans les quartiers et chez les pairs, on peut poser les questions suivantes :

  1. Quand est-ce que cet apprentissage commence?
  2. La fréquence des actes d'agressivité physique augmente-t-elle à la suite de l'exposition à des modèles de comportement agressif?
  3. Quand et comment peut-on prévenir le développement de l'agressivité physique?

Résultats des études récentes

a) La recherche à l’école primaire

Jusqu’à tout récemment, la plupart des études sur les comportements agressifs ont été centrées sur les adolescents et sur les adultes. Une minorité d'études longitudinales réalisées à partir de grands échantillons d'enfants en âge de fréquenter l'école primaire constitue une grande source d'information sur le développement de l'agressivité physique (Tremblay, 2000; Tremblay et Nagin, 2005). Un résultat significatif et inattendu de ces études longitudinales est le fait que chez la vaste majorité des enfants, la fréquence des agressions physiques diminue entre le moment où ils commencent l'école et celui où ils terminent l'école secondaire. Le phénomène se présente autant chez les filles que chez les garçons, bien que les fréquences des agressions physiques étaient systématiquement plus faibles chez les filles. Ce phénomène a été observé dans les années 1980 et 1990 au Canada, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis où le taux d’homicides était en augmentation (Cairns et al., 1989; Broidy et al., 2003; Nagin et Tremblay, 1999).

Cette diminution de la fréquence des actes d'agressivité physique avec l'âge était inattendue du point de vue de la théorie de l'apprentissage social de l’agression, puisqu'en vieillissant les enfants étaient exposés à un nombre toujours croissant de modèles d'agressivité physique. Des études longitudinales ont également montré qu'il est fort peu probable qu'un adolescent qui n'a pas été très agressif physiquement par le passé se mette tout à coup à présenter de sérieux problèmes d'agressivité physique (Broidy et al., 2003; Nagin et Tremblay, 1999; Brame et al., 2001; Barker et al., 2007; Loeber et al., 2005).

Ces découvertes nous amènent évidemment à nous poser une autre question : si la plupart des enfants atteignent leur fréquence la plus élevée d’agressions physiques lorsqu'ils commencent à aller à école, quand est-ce que les enfants apprennent à agresser d'autres personnes physiquement? Jusqu’à présent, peu de chercheurs se sont penchés plus particulièrement sur l'agressivité physique avant l'arrivée à l'école, sans doute pour trois bonnes raisons : (1) les conséquences des agressions physiques perpétrées par un adolescent de 18 ans sont généralement plus dramatiques que les agressions physiques perpétrées par un trottineur de 3 ans; (2) la théorie de l'apprentissage social de l'agression nous a amenés à croire que les enfants apprennent à agresser pendant leurs années à l'école parce qu'ils sont plus exposés aux modèles d'agression que les enfants d'âge préscolaire; (3) il est plus facile pour les chercheurs d'observer et d'interviewer les enfants d'âge scolaire.

b) La recherche durant la petite enfance

Au cours des dix dernières années, quelques études longitudinales qui ont permis de suivre les enfants depuis la naissance ont renversé notre opinion du développement de l’agressivité physique. Ces études montrent que si les enfants apprennent effectivement à agresser physiquement en observant des modèles, l'apprentissage se fait sans doute en majeure partie entre les 18 et 24 premiers mois après la naissance. En fait, la plupart des mères ont dit que leurs enfants avaient recouru à une forme ou à une autre d'agression physique quand ils avaient cet âge (Tremblay et al., 1999; Alink et al., 2006). Ceci dit, il y a des différences importantes quant à la fréquence des agressions physiques chez les petits enfants et chez les trottineurs (Côté et al., 2006; Liben et Bigler, 2002; Tremblay et al., 2004). Ces études montrent qu’une majorité d’enfants ont occasionnellement recours à l’agressivité physique, qu’une minorité y a recours beaucoup moins souvent que la majorité, et qu’une autre minorité utilise cette agressivité beaucoup plus souvent que la majorité. Beaucoup d’enfants d’âge préscolaire sont orientés vers des cliniques pour des problèmes de comportement, principalement parce qu’ils manifestent des comportements d’agressivité physique (Keenan et Wakschlag, 2000).

Les données disponibles sur le développement de l'agressivité physique pendant les années préscolaires indiquent que la fréquence des actes d'agression physique augmente chez la plupart des enfants pendant les 30 à 42 premiers mois après la naissance pour diminuer de manière constante par la suite (Côté et al., 2006; Liben et Bigler, 2002; Tremblay et al., 2004). Moins de filles que de garçons atteignent les niveaux de fréquence les plus élevés, et les filles ont tendance à réduire la fréquence de leurs actes d'agression plus tôt dans la vie (Côté, 2007).

Par ailleurs, les études longitudinales qui se poursuivent jusqu’à l’adolescence montrent que la période préscolaire est une période charnière pour ce qui est de l'apprentissage de la régulation de l'agression physique. En effet, la minorité des enfants à l'école primaire (de 5 % à 10 %) qui continuent à manifester des niveaux élevés d'agression physique présentent le risque le plus élevé de se livrer à des comportements de violence physique pendant l'adolescence (Broidy et al., 2003; Nagin et Tremblay, 1999).

Il est intéressant de noter que la fréquence des agressions physiques diminue à partir de la troisième ou la quatrième année après la naissance, alors que la fréquence des gestes d'agressivité indirects (propos désobligeants à l’insu de la personne visée) augmente de façon importante entre quatre et sept ans et que les filles ont tendance à user de cette forme d'agressivité plus souvent que les garçons (Côté et al., 2007).

Les principaux facteurs de risque qui font que les femmes peuvent avoir des enfants qui éprouvent de graves problèmes d’agressivité sont les suivants : un faible niveau d’études, une histoire de problèmes de comportement, une première grossesse à un jeune âge, la consommation de tabac pendant la grossesse et de faibles revenus (Côté et al., 2006; Liben et Bigler, 2002; Tremblay et al., 2004; Nagin et Tremblay, 2001; Keenan et Shaw, 1994). Les résultats d'une étude récente sur un important échantillon de jumeaux semblent également indiquer qu'il y a une dimension génétique dans les différences individuelles quant à la fréquence des agressions physiques à l'âge de 19 mois (Dionne et al., 2003).

Conclusions

Contrairement aux croyances traditionnelles, les enfants n'ont pas besoin d'observer des modèles d'agression physique pour commencer à user de ce genre de comportement. En 1972, Donald Hebb a fait remarquer que les enfants n'ont pas besoin d'apprendre à faire une crise de colère (Hebb, 1972). Dans son livre de 1979 sur le développement social, Robert Cairns a rappelé à ceux qui étudient le développement humain que les animaux agressifs étaient dans la plupart des cas ceux qui ont été isolés dès la naissance (Cains, 1979). Les petits enfants semblent spontanément recourir à l'agression physique pour atteindre leurs objectifs quand ils sont fâchés. À la suite des travaux novateurs de Charles Darwin, Michael Lewis et ses collègues ont montré qu'on observe des réactions de colère dès l'âge de 2 mois (Lewis et al., 1990; Lewis et al., 1992). Aussi les enfants semblent-ils spontanément jouer à se battre (Peterson et Flanders, 2005). Ainsi, plutôt que d'apprendre à recourir à l'agression physique par l’intermédiaire de leur environnement les enfants apprennent à ne pas recourir à l'agression physique grâce à divers types d’interactions avec leur environnement.

Les études sur le développement de l'agressivité pendant les années préscolaires n'ont pas encore élucidé de manière adéquate les mécanismes qui expliqueraient :

  1. pourquoi certains petits enfants sont plus physiquement agressifs que d'autres;
  2. pourquoi certains se livrent très peu à des formes d'agression physique;
  3. pourquoi les petites filles tendent à se livrer moins souvent à des formes d'agression physique que les petits garçons;
  4. pourquoi la plupart des enfants apprennent à réguler leurs comportements d’agressivité physique avant de commencer à aller à l'école;
  5. pourquoi certains enfants ne l'apprennent pas;
  6. pourquoi certains enfants commencent à se livrer à des formes d'agression indirecte;
  7. pourquoi les filles se livrent davantage à des formes d'agression indirecte que les garçons;
  8. dans quelle mesure le recours à l'agression indirecte réduit l'agressivité physique;
  9. ce qu'on peut faire pour aider les enfants d'âge préscolaire qui éprouvent des difficultés à apprendre à contrôler leur tendance à devenir plus physiquement agressifs.

Implications pour la prestation de services et pour l'élaboration des politiques

Les études précitées ont deux implications importantes pour la prévention de l'agression physique. Il y a d'abord le fait que la plupart des enfants acquièrent d'autres moyens d'expression que l'agression physique pendant leurs années préscolaires. Par conséquent, cette période de l'enfance est sans doute la plus favorable aux interventions visant à aider les enfants qui risquent de devenir des agresseurs physiques chroniques à apprendre à réguler leur comportement. Le soutien intensif destiné aux familles à risques élevés, qui commence pendant la grossesse, devrait avoir des effets à long terme (Côté et al., 2007; Olds et al., 1998; Schweinhart et Xiang, 2003). Ensuite, comme la plupart des êtres humains ont eu recours à une forme ou à une autre d'agression physique pendant leur jeune enfance, la plupart courent probablement le risque d'y recourir de nouveau s'ils se trouvent dans une situation qui ne semble offrir aucune autre solution satisfaisante. Ceci expliquerait pourquoi tant de crimes violents sont commis par des gens qui n'ont pas d'antécédents d'agression physique chronique, et pourquoi tant de conflits entre familles, groupes ethniques ou religieux, classes socio-économiques et nations conduisent à l'agression physique.

Les politiques qui favorisent une éducation de qualité pendant la jeune enfance devraient réduire l'incidence des cas de violence chronique de même que le niveau général d'agression physique au sein de la population. Mais il faut aussi des politiques qui cherchent à maintenir des environnements empreints de paix partout dans la société pour empêcher que des réactions agressives primitives ne percent la mince couche de civilité que nous acquérons en vieillissant.

Note

Cette entrée a été initialement publiée dans : Tremblay RE, Barr RG, Peters RDeV, Boivin M, eds. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [sur Internet]. Montréal, Québec: Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants; 2008:1-7. Disponible sur le site: http://www.enfant-encyclopedie.com. Reproduite avec l'autorisation de l'auteur.

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Terrorisme

 

Définition

Bien que le terme soit galvaudé, il est tout de même possible de donner une définition du terrorisme qui, bien qu’elle ne soit pas utilisée exactement comme telle par tous les chercheurs, ressemble suffisamment aux multiples définitions courantes pour être généralisée. Il s’agit d’une définition restrictive qui porte sur les stratégies et les actes des terroristes et non sur l’identité ou la personnalité des individus, sur la nature de leurs revendications ou sur les lois applicables, qui seront des aspects éternellement litigieux. Elle comprend 4 éléments essentiels :

1. Violence ou menace de violence. Accepter comme « terrorisme » un acte purement intellectuel ou symbolique réduit notre capacité d’analyser le terrorisme en diluant la définition outre mesure. Une forme d’action physique, ou du moins une menace crédible d’une telle action, doit exister. Bien sûr, le seuil de gravité de cette violence reste subjectif.

2. Présence d’un motif politique. Pour qu’un acte soit un acte terroriste, il faut absolument que son auteur l’ait commis principalement pour déclencher, favoriser, empêcher ou punir une conduite institutionnelle gouvernementale, communautaire ou industrielle. Ceci exclut la vengeance individuelle, l’extorsion, les attaques racistes, toute la criminalité axée vers la production de profits matériels ou financiers et tout acte de violence commis pour assurer la continuité de ces activités.

3. Asymétrie. L’acteur terroriste se trouve dans une position d’extrême déséquilibre de pouvoir face à ses cibles principales. Bien que des États sponsorisent plusieurs individus et groupes s’adonnant à des activités terroristes, le contexte de l’action de chacun de ces groupes reste caractérisé par une asymétrie de pouvoir.

a. Premier corollaire : l’expression « terrorisme d’État », qui identifie un phénomène de première importance, renvoie donc à une forme d’activité, ou un phénomène, de nature différente du terrorisme proprement dit. Il s’agit généralement d’oppression et de répression politique commise par des agents de l’État pour le compte de l’État et avec sa permission explicite ou tacite de le faire (du point de vue de l’agent : cette permission n’est généralement pas du domaine public). On le voit, cette catégorie a historiquement fait plusieurs milliers de fois plus de victimes que le terrorisme ordinaire. Sa logique de fonctionnement est toutefois complètement différente.

b. Second corollaire : la notion d’asymétrie exclue également les activités de groupes de guérilla ou insurgés. Bien que leur puissance soit moindre que celle de l’État dans lequel ils sévissent, elle reste à peu près comparable, surtout dans les territoires qu’ils arrivent à contrôler. Il n’est pas rare que ces groupes commettent des actes de terrorisme, mais il faut éviter d’assimiler toutes leurs activités à du terrorisme.

4. A pour cible immédiate des civils non engagés dans un combat armé. Bien qu’on identifie souvent des troupes irrégulières lancées dans une attaque suicide ou clandestine contre des forces armées militaires ou policières comme « terroristes », il s’agit d’une mauvaise utilisation du terme. Le terrorisme a pour cible immédiate, ou directe (les victimes de violence) et indirecte (l’auditoire qu’on veut impressionner) la population civile dans son ensemble, ou du moins des sous-groupes non individualisés.

a. Premier corollaire : tout acte de terrorisme a pour but, entre autres, la communication. Il peut s’agir de la communication d’un message particulier (il est mal de tester des produits sur des animaux), d’un programme politique (le maoïsme est une organisation politique idéale), de supériorité morale, etc. L’acte terroriste vise surtout un auditoire et beaucoup moins ses victimes immédiates (même dans le cas d’actes particulièrement destructeurs, comme celui du 9/11)

b. Second corollaire : en général, les assassinats politiques ne sont pas des actes terroristes, à moins qu’ils ne fassent partie d’une campagne de violence politique.

Ces 4 éléments de définition restreignent un tant soi peu le champ du terrorisme mais restent très flous. Au-delà, le chercheur doit se pencher sur un phénomène plus précis que « le terrorisme » en général et définir plus spécifiquement le groupe, l’époque, le lieu et les activités qui l’intéressent. Ceci n’est pas particulièrement déstabilisant pour le criminologue, qui sait pertinemment que cette même difficulté de définition existe pour le mot « crime » ...ce qui ne l’empêche pas de faire des recherche sur les homicides conjugaux ou le vol de voitures organisé.

Enfin, un dernier aspect est à souligner, malgré le fait qu’il ne soit probablement pas souhaitable de l’inclure dans les éléments de définition ci-dessus, parce qu’il fait partie davantage du contexte que des actes à définir. Il s’agit du contexte socio-politique dans lequel le terrorisme se déploie. Nos conceptions, ainsi que nos définitions du terrorisme (pas seulement celle fournie ci-dessus) sont fortement influencées par le contexte dans lequel nous les avons formés, c’est-à-dire l’Occident des démocraties libérales modernes et pacifiées. La pertinence du concept s’évapore rapidement lorsqu’on le trempe dans le contexte d’États déchus (Somalie) ou aux prises avec une guerre civile, par exemple (Afghanistan, Irak, Sri Lanka). Ainsi, la comparaison de statistiques internationales du terrorisme doit être faite avec la plus grande prudence.

 

Historique

Bien qu’on puisse retrouver des actes s’apparentant au terrorisme dès l’époque de l’Empire romain, il est douteux qu’une telle généalogie soit réellement utile à celui qui tente de comprendre le phénomène dans sa forme contemporaine. Certains auteurs hésitent même à amalgamer la vague terroriste des années 1960 à celle qui prévaut aujourd’hui, à laquelle il se réfèrent sous le vocable de « nouveau terrorisme ». Cette position set extrême, mais il n’en reste pas moins que les comparaisons entre zélotes, nihilistes et ben ladenistes sont rarement éclairantes.

Par contre, il est non seulement utile mais nécessaire à toute bonne compréhension du phénomène terroriste de le replacer dans une chronologie historique afin de saisir un de ces aspects cruciaux : son évolution dans le temps. À ce chapitre, quelques aspects importants sont à noter. Premièrement, en termes du nombre d’attaques, c’est la décennie 1980 qui est la plus prolifique entre 1950 et 2010. Au Canada, c’est par un facteur de 5 à 10 fois plus pour chaque année. Ce phénomène est le même dans tous les pays occidentaux. Deuxièmement, il semble par contre qu’en moyenne, les attaques aient été plus meurtrières depuis les années 1990. Alors que les terroristes des années 1980 posaient des bombes souvent à portée symbolique, à l’occasion téléphonant à l’avance pour faire évacuer les lieux, ou encore procédaient à des détournements d’avion ou à des attaques à l’arme légère, une série d’attentats très meurtriers a débuté à la mi-1990. C’est le « nouveau terrorisme » que certains auteurs ont cru identifier : plus spectaculaire, moins scrupuleux et plus souvent couronné de succès car souvent commis par des individus prêts à se sacrifier pour la cause.

 

Types de terrorisme

La littérature fait souvent état de « types de terrorisme » mais les typologies peuvent être organisées sous différents critères. Il est possible de distinguer entre terroristes selon la nature de leur but : certains ont des objectifs très spécifiques, comme la protection des animaux, alors que d’autres désirent réformer l’ensemble de la structure politique et économique d’une société. D’autres encore visent la sécession politique d’un territoire associé à un groupe nationale. On peut également distinguer les terroristes selon leur forme d’organisation, des individus aux groupes établis et centralisés, en passant par les structures cellulaires et les réseaux décentralisés. On peut choisir de différencier les niveaux de violence utilisés, selon qu’il s’agisse de destruction de propriété, d’attentats dirigés ou de meurtres de masse. Il est également possible de faire une typologie des méthodes utilisées, qui tendent à une certaine uniformité pour un groupe donné : l’utilisation de bombes traditionnelles (laissées sur place ou envoyées), l’utilisation de bombes livrées par des agents sacrifiés (terrorisme suicide), d’armes légères, de produits toxiques et d’armes à dispersion large (chimique ou bactériologique), etc. Enfin, certains auteurs (Leman-Langlois et Brodeur, 2010) ont également proposé une typologie matricielle fondée sur la chronologie de la justification explicite proposée par les terroristes pour leurs actions et sur l’ampleur du changement qu’ils désirent provoquer.

 

Succès et échecs

Il est souvent question des résultats du terrorisme, pour plusieurs raisons. Premièrement, d’un point de vue rationnel il semble fondamental que le terrorisme fonctionne de temps à autre sinon son l’adoption serait une stratégie perdante avec aucun exemple de succès auquel s’accrocher. D’une manière ou d’une autre, si le terroriste décide d’avoir recours à la violence pour entraîner un processus politique, il doit avoir de bonnes raisons de croire que ses efforts porteront fruit. Deuxièmement, du point de vue de la sécurité du public et des États, la probabilité que des terroristes réussissent à déstabiliser l’État en s’attaquant à ses institutions, la société civile en décimant la population ou la structure économique du pays en paralysant ses infrastructures est bien sûr d’un intérêt particulier. Prenons les trois aspects à tour de rôle.

Déstabiliser un État occidental est non seulement peu probable, mais il n’existe en fait aucun exemple de succès terroriste à cette échelle. Même le Royaume-Uni, au plus fort de la crise de la PIRA, ne risqua jamais d’être déstabilisé; les institutions de l’État restèrent toujours fonctionnelles — bien qu’ayant dû être quelque peu adaptées aux circonstances. Bien sûr, il existe tout de même des exemples de succès : les terroristes sionistes de l’Irgun, par exemple, parvinrent à chasser l’administration britannique de Palestine pour y instaurer Israël, entre autres en faisant exploser le quartier général de la force d’occupation à l’hôtel King David en 1946 (91 morts).

Il y a d’autres formes de « succès » à considérer, surtout si on tient compte de la multiplicité usuelle des objectifs du terroriste moyen. Renverser un régime peut en faire partie, mais d’autres buts s’y marient presque toujours : faire parler de soi, se venger, infliger des pertes à l’occupant, etc. Ainsi, certaines attaques suicides tiennent d’une rationalité différentes et visent surtout à faire du mal à l’ennemi. Ainsi, plusieurs formes de terrorisme s’attaquent directement à la société civile ou à certains de ses composantes ethniques, sociales ou économiques qui sont vues comme responsables d’un tort ou inactives devant une catastrophe qu’elles pourraient soulager. Prendre le citoyen moyen comme cible sert également à tenter de le pousser à faire pression sur ses institutions pour que les désirs du terroriste soient pris en compte. Au total, le bilan est hautement mitigé : tous les actes terroristes qui n’ont d’autre but que d’affecter leur cible immédiate sont toujours des « succès », puisqu’ils n’ont pas de but extérieur. Cependant, ceux qui espèrent mobiliser une population en la prenant pour cible n’ont aucun exemple de succès à offrir. Ou plutôt, lorsque les populations se mobilisent, c’est plutôt contre les terroristes. On doit conclure ce paragraphe par un mot sur l’idée que la mobilisation anti-terroriste puisse justement être le but du terroriste : en demandant et en obtenant un durcissement exagéré des mesures de sécurité, le public se placerait en position de victoire pyrrhique puisque ce durcissement aurait pour résultat la destruction du mode de vie qu’il était censé protéger. Les terroristes se frotteraient donc les mains de satisfaction à la vue des libertés perdues dans les pays occidentaux. Cet argument nous semble difficile à soutenir. D’une part, il procède essentiellement d’une série de déductions subjectives de la part d’observateurs distants. D’autre part, il semble facétieux d’affirmer que le but d’Ossama ben Laden était que les Occidentaux « perdent de leurs libertés », surtout si c’est en se protégeant mieux contre ses attaques. Enfin, c’est le genre d’argument qui parvient à faire de tout résultat un succès : les terroristes réussiront toujours à quelque chose, ce qui est peu utile à l’analyse.

Enfin, la préoccupation de l’heure porte sur la sécurité des infrastructures. Les infrastructures de transport public (aviation, transport ferroviaire, autobus, navires) sont bien sûr des cibles de choix depuis des décennies. Cependant, les autres types d’infrastructure (eau potable, électricité, produits chimiques de base, télécommunications, réseaux financiers, production et distribution de nourriture) ont jusqu’ici très peu été attaqués. Le foyer d’attention est surtout la capacité appréhendée d’effectuer des attaques à partir d’ordinateurs lointains qui parviendraient à paralyser un réseau électrique ou informatique — un « cyberterrorisme » qui jusqu’ici reste surtout limité à des attaques de déni de service (DDoS) contre des sites Internet gouvernementaux ou privés, avec des dégâts mineurs.

 

Avril 2010

Références

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  • Crenshaw, Martha (1995), Terrorism in Context, Philadelphie, Pennsylvania State University.
  • Équipe de recherche sur le terrorisme et l’antiterrorisme http://www.erta-tcrg.org.
  • Hoffman, Bruce (2006), Inside Terrorism, Revised and Expanded Edition, New York, Columbia University Press.
  • Kepel, Gilles (2003), Jihad, Paris, Gallimard.
  • Laqueur, Walter (2003), No End to War : Terrorism in the Twenty-First Century, New York, Continuum.
  • Leman-Langlois, Stéphane et Jean-Paul Brodeur (2010) « Terrorism Old and New : Counterterrorism in Canada », A Turk, D. Das et J. Ross, Terrorism, Counterterrorism and Internal Wars : Examining International Political Violence, Londres, Routledge.
  • Leman-Langlois, Stéphane et Jean-Paul Brodeur (dir. 2009), Terrorisme et antiterrorisme au Canada, Montréal, Presses de l’Université de Montréal.
  • Marret, Jean-Luc (1997), Les techniques du terrorisme, Paris, PUF.
  • National Commission on Terrorist Attacks Upon the United States (2003), The 9/11 Commission Report, Authorized Edition, New York, Norton.
  • Schmid, Alex et Jongman, Albert (1988), Political Terrorism A New Guide to Actors, Authors, Concepts, Data Bases, Theories and Literature. Revised, Expanded and Updated Edition, New Brunswick (New Jersey), Transaction.
  • Wilkinson, Paul (2000), Terrorism versus Democracy : The Liberal State Response, Londres, Frank Cass.
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Sous la direction de Benoît Dupont et Stéphane Leman-Langlois

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